Oser entrer au Désert[:]


Lorsqu’on parle de désert, ce qui à première vue nous vient à l’esprit c’est l’espace géographique aride, sec, où la vie est limitée. Mais le désert peu également être évoqué au niveau spirituel, et c’est de ce désert dont il est question ici. Cependant, il y a un lien étroit entre ces deux représentations que l’on peu se faire du désert.

Dans les Saintes Écritures, la quasi-totalité des représentations du désert évoquent un temps de mise à l’écart. Dans le Cantique des Cantiques, par exemple, il est promis à la bienaimée d’être emmenée au désert pour parler à son cœur et la séduire. L’épisode le plus connu est celui de l’expérience du peuple d’Israël dans sa traversée du désert vers la Terre promise. L’expérience qui nous est plus proche dans le temps est celle de Jésus au désert après son baptême au désert.

Au regard de cette expérience du peuple d’Israël et de Jésus au désert, on se rend compte que c’est un lieu de formation, un lieu de réalisation, un lieu de croissance, un lieu de régénération, mais aussi le lieu de la mort.

Le peuple d’Israël a fait l’expérience du désert. Il a connu la soif, la faim, les maladies, etc., et Dieu dans sa Paternité l’a abreuvé, l’a nourri, l’a guéris et l’a mis sur pied. C’est la même expérience que nous connaissons aujourd’hui dans le désert de nos vies, dans nos esclavages, dans nos handicaps. Dieu se montre toujours fidèle et viens à notre rencontre pour faire route avec nous. Mais avons nous les yeux de la Foi pour le voir lorsqu’il se présente à nous ? Acceptons-nous qu’il fasse route avec nous ? La situation économique, politique, sociale, etc.,  que le monde traverse aujourd’hui est une forme de désert, c’est une phase inévitable et un passage vers une autre période de notre histoire. Nous sommes immergés dans de grands changements, dans de grands bouleversements dont les issus dépendront des décisions et orientations que tous les peuples de la terre auront prises.

Nous récriminons sans cesse contre Dieu au cœur de nos déserts, au cœur de notre société, au cœur de nos esclavages, et comme le peuple d’Israël, nous préférions ne jamais avoir eu à entrer dans ce désert. Face aux bouleversements actuels, certains souhaiteraient revenir en arrières pour que les choses soient différentes. Or, le chemin vers une issue favorable se trouve en plein cœur de ce désert. Saurions-nous nous arrêter et écouter ? Saurions-nous oser entrer dans nos déserts ?

Le Christ a été conduit au désert par l’Esprit. Il y a connu l’épreuve durant tout son séjour, et à la fin, il a connu la tentation. Cela nous enseigne que le désert fait parti de nos vies au quotidien. Si nous sommes Fils de Dieu, nous devons oser affronter le désert avec la seule garantie que l’Esprit de Dieu est avec nous et nous y mène. Dans le désert nous faisons l’expérience de la souffrance, mais nous n’aimons pas souffrir. Or, on ne peut se réaliser qu’en souffrant, qu’en souffrant tout en aimant. C’est de cet amour dans la souffrance que pourra jaillir l’aube d’une humanité nouvelle. Souffrir sans aimer, en se plaignant, c’est subir la souffrance. Or, dans le désert on fait l’expérience du sens de la croix, on s’y réalise pleinement. Fuir finalement le désert, c’est se résigner, c’est refuser la vie, c’est accepter que la mort prenne le dessus.

Oser entrer dans le désert, c’est prendre le courage d’affronter ses esclavages, c’est oser entrer en contact avec soi, accepter sa réalité et sa condition humaine. C’est prendre conscience de ses erreurs, de ses inaptitudes et accepter de trouver un chemin de progrès avec l’ « Autre », avec l’ « Un ».

Oser entrer dans le désert, c’est accepter de faire la rencontre avec « l’Au-delà de tout », avec Celui qu’aucun Esprit ne peut saisir, et cela nécessite la Foi. Oser de ce fait entrer au désert, c’est risquer de prendre l’initiative de demander le don de la Foi. Quand bien même on a le sentiment d’être étranger à tout cela, de rien y comprendre, il faut prendre le risque d’aller vers l’ « Inconnu ».

Le désert est le lieu du silence, le lieu des retrouvailles avec soi. Mais nos habitudes font que l’idée de s’aventurer dans ce lieu de silence fasse tellement peur qu’on opte pour la fuite. Pourtant, c’est dans le silence qu’on peut être disposé à s’accueillir soi-même ; à s’écouter et à entrer en relation avec soi, se connaître davantage. Mieux nous nous connaîtrons, mieux nous pourrons entrer en relation avec l’ « Autre ».

Oser entrer au désert c’est se risquer vers l’inconnu avec la certitude de ressortir plus grand de cette expérience. Car dans le désert, on ne peut que faire l’expérience de sa condition humaine, rencontrer l’ « Autre », l’écouter et  entrer en relation avec Lui. Dans le désert se trouvent des oasis qui permettent de rendre moins pénible la traverser dans ce lieu aride, des oasis qui permettent de garder l’espérance et les yeux fixés vers l’objectif à atteindre : la porte, l’issu, l’ « Un ».

Oser entrer au désert, c’est accepter de faire confiance et accueillir tous les évènements qui se produisent sans forcément comprendre leur sens. C’est accepter que l’Être sensible en nous prenne le dessus sur l’Être rationnel, c’est accepter que tout nous échappe, c’est s’abandonner et se laisser guider par l’ « Imprévisible ».

Oser entrer au désert, c’est réaliser que s’y trouve la mort et que celle-ci nous attend à bras ouverts. Car celui qui subit sa traversée du désert choisi le chemin de la mort. Or, un autre chemin s’offre à nous, celui de la vie. Oser entrer au désert, c’est donc accepter que de l’aridité puisse jaillir la vie.

© Léandre Syrieix.

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