Relever les sanctuaires détruits

[:fr]Photo : Élias Djemil[:]

Ex 20, 1-17 – Ps 18 (19) – 1 Co 1, 22-25 – Jn 2, 13-25

3e dimanche du Carême (B)

À l’heure de la démolition de nombreuses églises au Québec ; de la fermeture de plusieurs temples religieux et de leur conversion en salles multifonctionnelles ou en appartements résidentiels ; de nombreux citoyens, quelle que soit leur adhésion à la foi chrétienne ou non, crient leur consternation devant la perte du patrimoine religieux d’une part, devant la désacralisation des lieux de la présence même de Dieu d’autre part. Tous les arguments avancés par les défenseurs du patrimoine religieux ou encore par les chrétiens attristés devant une telle réalité sont légitimes et méritent d’être entendus ; mais ils passent tous à côté de la priorité, c’est-à-dire l’urgence de relever des sanctuaires vivants détruits ici et ailleurs dans le monde.

Une des rares scènes de colère du Christ dans les Évangiles est présentée par Jean à travers sa vive réaction au Temple de Jérusalem devant l’agissement des marchands. Le Christ se scandalise en constatant la profanation du sanctuaire de son Père. Une telle réaction ou émotion traduit clairement l’importance du lieu de la présence de Dieu, du lieu de son habitation, de sa demeure. En ce sens, il est de notre devoir de nous assurer du respect de nos sanctuaires de pierres, car ce sont des lieux de la Présence de Dieu. Lorsque ces derniers sont profanés, ne sont pas protégés par les chrétiens ou les autorités civiles, il est de notre responsabilité de nous insurger, car « l’amour de [la maison de Dieu] fera [notre] tourment. » (Jn 2, 17)

Toutefois, cela ne doit pas nous aveugler ou nous détourner de l’essentiel, de la raison même de l’existence de l’Église : « Allez annoncer l’Évangile aux peuples ». Autrement dit, la préservation du sanctuaire de pierres ne doit pas nous replier sur nous-mêmes en tant que communautés chrétiennes en décroissances cherchant à préserver à tout prix ce qui reste d’un passé encore vécu aujourd’hui nostalgiquement. La préservation du sanctuaire de pierres ne doit pas non plus réduire ce dernier à une question patrimoniale. Les propos du Christ introduisent un autre aspect du Temple : la personne humaine. En parlant de la reconstruction de son sanctuaire en trois jours (Jn 2, 19-21), il annonçait sa mort et résurrection ; il nous révèle ainsi que nous sommes les Temples vivants de Dieu vivant voués à la résurrection. Et par conséquent, si l’amour de la maison de Dieu (sanctuaire de pierres) doit faire notre tourment, alors l’amour de la personne humaine comme Temple de l’Esprit-Saint devrait aussi faire notre tourment.

Le Christ nous a montré l’importance des sanctuaires vivants que nous sommes en nous ouvrant la voie du salut ; en nous montrant que nos corps sont promus à la résurrection. Par sa mort sur la croix, il nous ouvrait la voie pour la reconstruction de nos corps mortels en cette vie et qui nous prépare déjà la résurrection de la chair lorsque viendra le temps. Voilà pourquoi nous ne pouvons rester silencieux, passifs, aveugles… devant la profanation de tant de sanctuaires vivants, de tant de personnes autour de nous. À la suite du Christ s’insurgeant contre le blasphème du Temple de pierres, nous avons l’obligation, à cause de notre foi chrétienne, de nous lever contre toute forme de sacrilège envers la personne humaine : exploitation, viol, exclusion, violence, mépris, banalisation, manipulation, chosification…

Cela est possible si nous avons à cœur le respect pour la vie et pour la dignité de la personne humaine. Voilà les fondements mêmes de l’urgence qui nous presse de relever tous les sanctuaires détruits, toutes les personnes blessées ou démolies par nos propres actions ou prises de décisions politico-économiques actuelles ; par nos silences et inactions devant tant de maux. La Loi de Dieu bien comprise, accueillie et mise en pratique dans nos vies est un antidote contre la profanation des sanctuaires vivants ; c’est un guide pour nous aider éviter toute atteinte à la dignité de la personne et de la relever lorsqu’elle est détruite. Le psalmiste parle ainsi de cette Loi comme la charte du Seigneur ; ses préceptes ; ses commandements ; ses décisions (Ps 18).

Ainsi, honorer nos parents (Ex 20, 12), nos aînés en prenant soin d’eux jusqu’à leur fin naturelle est une urgence aujourd’hui alors que la pandémie de la Covid-19 a montré toutes nos négligences envers eux. Préserver la vie en ne commettant pas de meurtre (Ex 20, 13) sous toutes les formes actuelles à l’instar de la peine de mort, l’euthanasie, l’avortement, meurtres passionnels… constituent une urgence actuelle. La convoitise des avoirs des autres (Ex 20, 17) est un cancer profondément ancré dans nos mœurs et donc nous devons nous en libérer, car cela nourrit dans le cœur humain l’individualisme et toute sorte d’agissements comme la médisance, les faux témoignages, le sabotage, etc., qui portent atteinte à la dignité de la personne, à sa réputation. Tout cela nous éloigne de Dieu dans la mesure où nous trouvons notre plaisir dans les convoitises de ce monde, l’adoration d’autres dieux pourtant le Seigneur est notre unique (Ex 20, 2-3).

La Loi du Seigneur n’est pas un fardeau visant à nous écraser ou à nous faire perdre notre liberté ; mais c’est un ensemble de préceptes qui nous font prendre conscience de la dignité de personne humaine ; du caractère sacré de la vie. Les commandements du Seigneur nous obligent ainsi aujourd’hui à relever les sanctuaires vivant détruits par les actions humaines, car nous sommes tous appelés à la résurrection.

© Ab. Léandre Syrieix.

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