Signes d’Alliance

@Photo Leander Syrieix

Gn 9, 8-15 – Ps 24(25) – 1 P 3, 18-22 – Mc 1, 12-15 

1er dimanche du Carême (B)

 

La plupart de nos relations humaines sont régulées par diverses formes d’ententes, de contrats, de conventions, de pactes, d’accords, etc. ; depuis des millénaires et s’étant adaptée avec le temps et l’espace. De fait, il s’agit de plusieurs variantes d’alliances signées entre les peuples, les États, les familles, des personnes… pour assurer une longue relation dans laquelle chacun trouve satisfaction tant que les termes sont respectés. Voilà une dimension fondamentale de la foi chrétienne dont nous n’avons pas toujours conscience et qui est au cœur même de raison d’être du carême.

Notre Mère Église, dans sa grande sagesse, nous propose ce temps de carême comme une manière de revoir notre contrat, notre alliance avec Dieu, autrement dit, notre Baptême. En effet, l’alliance est le scellage d’une relation entre parties et décrit bibliquement la relation entre Dieu « avec tous les êtres vivants » (Gn 9, 9-10). L’auteur du livre de la Genèse emploie cinq fois la notion d’« établissement de l’alliance de Dieu avec les vivants » et cette insistance décrit clairement l’intention de Dieu, la disposition de son cœur envers les vivants, en particulier l’être humain. Un signe concret de cette alliance est donné : l’arc-en-ciel. Il symbolise la grâce. En fait, l’arc est le symbole du chasseur et sa représentation dans le ciel en signe d’alliance signifie le passage de la colère à la paix et l’amour. Si l’alliance est une forme de contrat entre deux parties, on voit dans le récit de Noé que Dieu s’engage à travers le signe de l’arc-en-ciel, mais il est curieux de constater qu’il n’y a pas de mention de la part des vivants si ce n’est qu’une allusion au parfum de l’holocauste de Noé apaisant pour le Seigneur (Gn 8, 20-21).

Dieu dans son amour n’a cessé de donner des signes d’alliance à l’humanité et l’autre fut le Christ lui-même. C’est ce que saint Pierre nous rappelle en indiquant que le Christ a souffert pour nos péchés (1 P 3, 18). De plus, Pierre indique le baptême comme la part du contrat, l’alliance que l’humanité est appelée à remplir pour que la relation demeure établie. Ainsi, le baptême est pour toute personne le signe de l’engagement envers Dieu en vue de l’alliance jadis établie avec Noé et ses descendants. La souffrance du Christ pour nos péchés est, comme l’indique saint Pierre, la concrétisation de l’alliance entre Dieu et l’humanité dans la mesure où il nous a ainsi manifesté tout l’amour du Père par sa mort et sa résurrection.

Jésus nous montre l’exemple, l’engagement chrétien par rapport à l’alliance avec Dieu en recevant le baptême. Dans l’Évangile de Marc, on peut constater que c’est après avoir reçu le baptême que l’Esprit-Saint (l’autre signe de l’alliance), pousse le Christ au désert. Voilà pour nous le sens de l’entrée en carême, de l’entrée au « désert ». Ce désert n’est rien d’autre que nos vies respectives, notre humanité, la création… Mais, dans quel but entrons-nous en carême, en désert, comme le Christ ? C’est dans le but de renouveler l’Alliance avec Dieu ; de retourner vers lui ; de nous rappeler le sens et les engagements de notre baptême : pour transformer nos vies (conversion) et placer la Parole de Dieu (croire en l’Évangile) au cœur de nos vies.

Les trois principaux moyens tirés de l’Évangile de Matthieu et que l’Église nous propose (prière, jeûne, charité) visent cette alliance. Ils ont pour but de nous aider, d’abord individuellement, à revoir notre relation avec Dieu et non pas à nous exposer sur les places publiques dans le but de bien paraître aux yeux des autres ; ensuite, collectivement, pour regarder avec vérité et courage tout ce qui cause la fatigue structurelle de l’Église. Le temps du carême est donc une occasion favorable qui nous est donnée pour examiner en conscience et en vérité les signes de l’alliance de Dieu avec nous. Ces signes qui ont été oubliés, qui nous entourent au quotidien, mais qui sont devenus tellement ordinaires. Ainsi, si aujourd’hui le symbole de l’arc-en-ciel renvoie à la lutte de nombreuses causes, notamment au symbole officiel du mouvement LGBTQ+ depuis 1978 ; et depuis 2020 au Québec à l’emblème d’espoir pendant la pandémie de COVID-19 (« Ça va bien aller ») ; il doit surtout nous renvoyer à l’alliance scellée entre le ciel et la terre ; entre le temporel et le spirituel, entre l’humanité et Dieu. Si les sacrements sont des signes visibles et tangibles de l’action divine dans la vie de l’Église, leur fréquentation ou redécouverte doit alors nous permettre de vivre cette alliance avec Dieu, notamment à travers le sacrement de la Réconciliation où il renouvelle inconditionnellement son amour pour chacun de nous. Si l’Esprit-Saint soufflé sur les Apôtres au Cénacle continue à faire vivre l’Église, alors nous devons constamment nous disposer à le recevoir afin de nous laisser entrainer, comme le Christ, au désert de nos vies pour renouveler cette alliance de Dieu avec nous.

Le carême est un temps de grâce durant lequel les ponts entre le ciel et la terre doivent être récréés ; où l’humanité est appelée à découvrir ou renouveler l’Alliance avec Dieu qui tendresse, fidèle, amour, bonté et miséricorde (Ps 24).

© Ab. Léandre Syrieix.


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