Ex 12, 1-8.11-14 – Ps 115 (116b) – 1 Co 11, 23-26 – Jn 13, 1-15

Jeudi Saint (B)

Vivre sans amour est impossible ! Lorsqu’on y pense, la vie et les relations humaines sont possibles grâce à l’amour. Sans amour, nous ne sommes rien, nous sommes seuls et abonnés à nous-même, la dépression et la mort nous atteignent lentement et progressivement comme un cancer. Aimer est donc essentiel, car cela nous maintient en vie et rend possible les relations interpersonnelles ou sociales. Au sein de ces relations, il y a des promesses d’amour dans la joie et la peine, dans les épreuves de la vie comme on peut le voir à travers les échanges de consentement de mariage, des promesses d’amitié. Cependant, l’amour peut être fragilisé, peut être blessé, peut être confondu, etc., mais il y a une manière de rendre l’amour plus fort que tout, durable, éternel : aimer jusqu’au bout !

Aimer jusqu’au bout est possible, car une personne nous l’a montré et est, en ce sens, un modèle : Jésus-Christ. Plusieurs personnes parmi nous ont suivi son exemple et nous démontrent par le fait même que ce n’est pas impossible. Le christ ne nous a pas seulement aimé, mais il l’a fait jusqu’au bout, jusqu’à l’ivresse comme le témoignent ses gestes dans l’Écriture.

Saint Jean nous indique que, « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » (Jn 13, 1) Il l’a fait en s’abaissant, car Lui, le Maître, s’est agenouillé devant eux pour leur laver les pieds. Jésus s’est fait serviteur afin de nous donner le sens d’« Aimer jusqu’au bout ». En disant « je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns les autres » (Jn 13, 14), le Seigneur nous donnait ainsi l’exemple et nous montrait qu’il n’est pas impossible d’aimer jusqu’au bout. Saint Paul, quant à lui, souligne comment le Christ est allé plus loin dans son acte d’amour, en donnant son corps et en versant son sang pour toute l’humanité (1Co 11, 25). C’est un geste d’abaissement du Seigneur que le Curé d’Ars, saint Jean-Marie Vianney illustre en affirmant : « lorsque Dieu voulut donner une nourriture à notre âme pour la soutenir dans le pèlerinage de la vie, il promena ses regards sur la création et ne trouva rien qui fût digne d’elle. Alors il se replia sur lui-même et résolut de se donner^[1]. » Le Seigneur a donc choisi deux éléments de la création et essentiels à la vie humaine pour se donner tout en nous invitant à faire mémoire (1Co 11, 24-25).

Cela s’inscrit dans le mémorial de la Pâque juive (Ex 12, 14) de laquelle s’inscrit l’eucharistie chrétienne et se souligne de la même manière d’âge en âge. Ainsi, dans l’Eucharistie, nous célébrons l’Amour du Seigneur pour l’humanité et à chaque fois que nous communion aux saintes espèces, nous posons un acte de proclamation de la mort et résurrection du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne (1Co 11, 26). Cette communion eucharistique nous ouvre donc aux autres, nous pousse à partager avec le voisin (Ex 12, 4), car c’est aussi cela aimer jusqu’au bout comme le Christ et tel que le font de nombreux parents, des proches aidants, etc., des hommes et des femmes à travers leurs engagements, leurs choix de vie…

« Aimer jusqu’au bout » est au cœur même du sacerdoce institué par lequel le prêtre agit en la personne du Christ. Car, par son ministère, il rend visible et sensible l’activité du Christ-tête dans l’Église qui a dit « faites ceci en mémoire de moi ». Par le fait même, le prêtre démontre à travers son sacerdoce que c’est le Christ qui fait vivre l’Église[2]. Le prêtre, par son ordination devient « une représentation sacramentelle du Christ Tête et Pasteur[3] » de l’Église. C’est l’ordination qui lui confère le droit spirituel, c’est-à-dire la participation à l’autorité du Christ.

Par ailleurs, « le sacerdoce c’est l’amour du cœur de Jésus[4] » puisque c’est dans la personne du prêtre que le Christ continue à « Aimer jusqu’au bout » l’humanité :

Allez vous confesser à Sainte Vierge ou à un ange. Vous absoudront-ils ? Vous donneront-ils le corps et le sang de Notre-Seigneur ? Non, la Sainte Vierge ne peut pas faire descendre son divin Fils dans l’hostie. Vous auriez deux cents anges là qu’ils ne pourraient vous absoudre. Un prêtre tant simple qu’il soit le peut. Il peut vous dire : Allez en paix, je vous pardonne. Oh ! que le prêtre est quelque chose de grand[5] !

L’importance du sacerdoce dans la vie de l’Église explique pourquoi « lorsqu’on veut détruire [le catholicisme], on commence par attaquer le prêtre [qui] n’est pas prêtre pour lui. Il ne se donne pas l’absolution, il ne s’administre pas les Sacrements. Il n’est pas pour lui, il est pour vous[6]. » Il est la preuve tangible que le Christ nous a aimé jusqu’au bout et nous invite, à sa suite, « Aimer jusqu’au bout ».

© Ab. Léandre Syrieix.

[1] Bernard Nodet, Jean-Marie Vianney curé d’Ars, sa pensée, son cœur, Paris, Cerf, 2006, p. 117-118.

[2] Congrégation pour le clergé, Directoire pour le ministère et la vie des prêtres, Montréal, Éd. Paulines, 1994, p. 7.

[3] Ibid., p. 8.

[4] Bernard Nodet, Jean-Marie Vianney curé d’Ars…, p. 100.

[5] Ibid., p. 101.

[6] Ibid., p. 101-102.