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Comme il est étrange qu’en 2013 de nombreuses personnes croient et proclament dans leurs cultes, dans leurs liturgies une foi en un juif né dans un petit village perdu au sud de l’actuelle Palestine. Il est étonnant qu’encore aujourd’hui, une multitude de personnes consacrent toute leur vie à la suite de ce juif qui jadis annonçait l’avènement d’un règne, celui de Dieu. L’attitude de tout ce monde n’est pas anodine, car si après deux milles ans que ce juif ait existé beaucoup continuent encore à propager son message, c’est sans doute parce qu’il y a quelque chose qui les rejoint, qui les interpellent, qui les étonne, qui les met en recherche, qui les questionne, qui les met en dialogue et enfin, qui les met en confiance : c’est le mystère de la foi.
Ce Juif, Jésus de Nazareth, s’est révélé comme fils de Dieu. Durant toute sa vie publique il y en a eu qui l’ont suivi, qui lui ont fait confiance, mais aussi il y en a qui ont rejeté son message. C’est seulement à la croix comme les Évangiles nous le montrent, notamment avec l’exclamation d’un profane, le centurion de l’armée romaine : « Vraiment cet homme était fils de Dieu ! » (Mc 15, 39), que beaucoup croiront en son message. Mais les persécutions des chrétiens dès le début du christianisme à Jérusalem montrent la réticence à reconnaitre ce juif comme le Fils véritable de Dieu, le Logos qui était auprès du Père dès le commencement.
Dès le commencement c’est Dieu qui a l’initiative, c’est lui qui décide de prendre chair dans le sein d’une vierge. Mais cette initiative ne se réalise pas sans le consentement de l’homme, car sa liberté est respectée. Marie consent donc à ce que le monde reçoive le fils de Dieu, elle permet que se réalise la promesse, l’avènement du royaume tant attendu par le peuple juif. Mais saura-t-il reconnaître la venue et la réalisation de ce royaume ?
L’initiative de Dieu se réalise durant tous les évènements de la vie publique de Jésus de Nazareth. Car il emploie cette pédagogie en vue d’annoncer la proximité de son royaume, qu’il est vraiment Dieu et qu’il entre dans le monde à la rencontre de tous ceux qui l’appellent par l’intervention de la prière et de la profession de foi.
Au Jourdain, c’est Jésus qui a lui-même l’initiative lorsqu’il décide de se ranger du côté des pécheurs pour recevoir comme eux le baptême de conversion des mains de Jean-Baptiste. Acte étonnant de l’Agneau sans tache, du fils de Dieu, mais acte anticipant la croix, montrant jusqu’où Dieu est capable d’aller par amour pour l’humanité. Le Christ prend l’initiative au Jourdain parce qu’il veut partager toute notre condition humaine et nous montrer le chemin du salut, un chemin qu’il emprunte lui-même afin que l’homme le suivre, puisque c’est dans ses capacités.
Les premiers disciples ne se sont pas levés un matin et ont décidé de leur propre chef de suivre l’Agneau. Au contraire, c’est Jésus qui a eu l’initiative, c’est lui qui les a appelés à sa suite. Comme il est étonnant de voir la confiance de ces hommes, de ces pêcheurs qui décident de tout abandonner : barques, familles, enfants et épouses pour certains pour suivre un inconnu qui les a sans doute séduit, non pas par un programme électoral ou de beaux discours rhétoriques, mais par la simplicité et l’importance de son message : l’avènement du règne de Dieu. C’est un véritable acte de confiance des disciples, car abandonner leurs vies entre les mains d’un homme sans avoir aucune garantie, aucune certitude sur champs relève de la folie, mais la folie de la foi.
À Cana de Galilée, ce n’est pas à la demande de sa mère que Jésus opère le miracle de la transformation de l’eau en vin, mais c’est à son initiative personnelle : « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore arrivée » (Jn 2, 4). Ce miracle préfigurait déjà la passion. En effet sur la croix « il sortit aussitôt du sang et de l’eau » (Jn 19,34) pour signifier l’eau qui donne la vie et le sang qui purifie.
À Capharnaüm et dans toutes les autres régions où Jésus est passé, il a pris l’initiative de visiter toutes les sphères de la vie humaine, tant des personnes souffrantes que bien portantes. Il a visité des lieux publics (synagogues, places, marchés, etc.), des lieux privés (maisons des pécheurs, des riches et des pauvres, les cœurs des hommes et des femmes qu’il côtoyait, etc.). Il ne s’est pas laissé enfermer dans l’univers religieux, car sa préoccupation était de rejoindre l’homme souffrant et l’homme-faible. C’est lui qui a l’initiative de donner la guérison aux malades (aveugles, lépreux, paralysés, hémorroïdes, sourds, etc.), de redonner la vie (au serviteur du général romain, à Lazare, à la fille de Jaïre, etc.). C’est le Christ qui a l’initiative dans tous les miracles qu’il opère dans la vie des personnes rencontre, cependant leur adhésion à la foi en Dieu ainsi que leur liberté est la seule condition, car Dieu ne veut nous sauver sans nous, sans notre participation, sans notre liberté.
Lors du dernier repas, c’est Jésus qui a l’initiative de se donner dans le pain et le vin. Il a regardé dans toute la création et n’a rien trouvé de digne pour le contenir. Alors il a préféré se donner dans ces deux espèces essentielles pour la vie de l’homme, car l’humanité a besoin de pain pour se nourrir. À chaque fois que les chrétiens se réunissent autour de la table eucharistique pour manger le pain et boire le vin, ils ne peuvent faire autrement que de se remémorer Jésus qui s’est donné en nourriture sous ces deux espèces. Il s’est donc donné au monde dans cet admirable sacrement de son amour à sa propre initiative.
À la croix, c’est encore le Christ qui a l’initiative, car il aurait pu trouver un autre moyen pour sauver l’humanité. Mais il a choisi la folie de la croix pour manifester la folie de son amour pour l’humanité. C’est encore lui qui a l’initiative de ressusciter afin que le monde croie en la souveraineté de du Père et mette en lui toute sa confiance et toute son espérance.
Toute l’histoire du salut depuis l’Ancien Testament à aujourd’hui tourne autour de l’initiative de Dieu. Nous sommes croyants aujourd’hui par sa seule initiative et non pas par la nôtre. Car la foi est un don qui est donné par Dieu seul et ne s’acquiert pas à la suite d’une recherche personnelle ou d’un quelconque mérite. Quelques personnes se demandent souvent pourquoi il est donné à certains et non pas à d’autres d’avoir la foi. C’est tout simplement parce que nous devons nous laisser exposer et accueillir la foi comme un don. Tant que nous sommes fermés et ne préparons pas notre terre, le grain ne germera pas. Dans l’expérience chrétienne, beaucoup d’individus pensent commander Dieu, effectuent des prières de demandes et exigent parfois une réalisation de leurs vœux dans l’immédiat. D’autres personnes accusent Dieu de demeurer insensible à leur cri ou à la misère du monde. Certaines stipulent même que si Dieu existait vraiment il n’y aurait pas de maux dans le monde ni tant de catastrophes.
Nombreuses sont des personnes qui renient Dieu à la suite d’une accumulation d’évènements douloureux comme la maladie, la perte d’un être chère, la perte d’un emploi, etc. Dieu n’est pas une formule magique dont on se sert quand on a un besoin particulier et qu’on range dans un tiroir par la suite. Il n’est pas non plus un marabout perché sur sa montagne qu’on va consulter de temps en temps lorsque le besoin se fait ressentir et qu’on réprimande quand on n’est pas exaucé. Il n’est pas non plus celui avec qui l’on peut marchander selon nos besoins comme le font beaucoup de chrétiens : « Si tu accordes la guérison à un tel, je ferai une telle chose X… ». Dieu ne parle jamais au conditionnel, mais seulement au présent, à l’impératif et au futur. Car le conditionnel c’est le propre de l’humain et non celui du divin. Dieu n’a qu’une seule parole, il est fidèle en tout ce qu’il dit et il réalise ses promesses.
C’est lui qui a l’initiative dans toutes les sphères de notre vie, puissions-nous donc nous ouvrir à lui en toute confiance et laisser advenir son règne au quotidien.
© Léandre Syrieix.
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