Marcher en présence.[:]


Marcher en ta presenceLa vie humaine est une expérience de marche, un pèlerinage durant lequel l’humain fait la pratique de la rencontre avec l’Autre. L’humain n’est pas fait pour vivre seul, car il est par essence social, relationnel et amené sans cesse, même malgré lui, à aller vers l’Autre. Il n’y peut rien, c’est ainsi ! Cela pourrait paraître paradoxal compte tenu du fait qu’aujourd’hui un nombre considérable d’hommes et de femmes se retirent dans des ermitages. Il y a une explication à cela. Manifestement, si l’on questionne toutes les personnes qui ont fait le choix de ce genre de solitude, elles diront qu’elles ne sont jamais seules, qu’elles sont accompagnées, qu’elles sont avec une présence.

Le contexte social actuel ne favorise pas toujours l’amélioration des liens entre les personnes, car une grande majorité de gens font face à la solitude, à l’abandon, au rejet, etc., pour des raisons diverses. Physiquement, elles sont parfois dans l’incapacité de réaliser le minimum vital au quotidien à cause de la maladie, de l’âge, etc. On se demanderait alors comment une telle situation est possible, puisque nous sommes par nature des êtres relationnels, des êtres appelés à aller spontanément vers l’Autre : c’est la rencontre de l’Autre, c’est cela le « sacrement du Frère[1] ».

Ainsi, toutes les fois que nous faisons l’expérience de la solitude, de quelques formes de souffrance que ce soit, nous devons nous rappeler que nous ne sommes pas seuls, que nous sommes en compagnie. Cette présence peut être nommée de différentes manières, et pour la personne chrétienne, c’est « Dieu ». Même la personne non croyante, l’athée, etc., fait l’expérience de Dieu, soit par ignorance, ou inconsciemment. Indubitablement, nul ne peut prétendre le contraire. Précisément toutes les certitudes de la science butent à l’inexplicable, à quelque chose de plus grand qu’elle. Cela montre que nous sommes toujours « en présence », jamais seul. Cependant, est-ce que nous vivons cette présence comme une rencontre ? Sommes-nous réellement conscients de cette présence ? Même lorsque nous croyons  être seul, on ne l’est pas vraiment, car il y a toujours une présence, même insoupçonnée. Une vie sans contact avec l’Autre est impossible, une vie seule n’est point possible, car même au « commencement […] l’esprit de Dieu planait sur les eaux » (Gn 1, 20). De plus, le Père conversant avec le Fils, lui dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance » (Gn 1, 26). Nous voyons donc qu’avant que tout existe, la Trinité « est », il n’y a pas un, mais Trois en UN. Il y a une vie à plusieurs, il y a une communion, il y a compénétration entre Trois, il y a rencontre, il y a lien, il y a échange.

La marche de l’humain évoquée antérieurement a pour aboutissement la déification de ce dernier, car il est appelé à rejoindre le Père dans son intimité avec le Fils et l’Esprit-Saint. Cette rencontre se réalise déjà dans cette vie, elle se réalise dans le règne de Dieu annoncé par le Christ et qui est commencé : c’est la rencontre de l’Autre, c’est le « Sacrement du Frère ». Pouvons-nous passer une éternité à aimer une personne sans jamais la rencontrer ? Dire à une personne qu’on l’aime, à distance, sans jamais aller à sa rencontre ? Non ! Ce n’est pas possible. Car même Dieu qui nous a aimés le premier a envoyé son Fils à notre rencontre (1 Jn 4,7-21). Ne devons-nous pas faire de même ? N’est-ce pas là que commence notre déification ? En effet, c’est en aimant le Frère et la Sœur que nous voyons que nous aimerons davantage Dieu que nous ne voyons pas physiquement, mais qui est présent (1 Jn 4,19-20).

« Marcher en présence » c’est la vocation de tout humain. Encore plus, c’est celle du chrétien qui ne chemine jamais seul,  qui chemine avec la Trinité, mais aussi avec une communauté de Frères et de Sœurs. Dans le contexte sociétal qui est le nôtre, nous ne devons pas reculer devant les obstacles humains sur la question de Dieu, mais au contraire, foncer avec la certitude de « Marcher en présence ». Car la Trinité est toujours proche et désire tant introduire toute l’humanité dans la vie Trinitaire. Pour « Marcher en présence », il faut Écouter afin de saisir les pas de l’Invisible dans nos vies. De nombreuses personnes qui nous sont proches se suicident pour diverses raisons, et dans la majorité des cas, nous aurions pu leur redonner goût à la vie, le goût de « Marcher en présence », si et seulement si nous les avions Écouté. De nombreuses personnes blessées de la vie ont tant besoin de réconfort et de soutien, mais nous ne les Écoutons pas, parce que nous avons perdu cette culture de l’Écoute, parce que nous nous contentons d’Entendre[2].

C’est dans la rencontre de l’Autre, dans le « sacrement du Frère », que nous pourrons véritablement vivre la pratique de la présence de Dieu qui seul peut donner du sens à nos vies, qui seul peut donner de la saveur à nos vies de plus en plus insipides. Aujourd’hui, de nombreuses personnes ne s’accrochent plus qu’aux choses éphémères, elles n’osent plus faire confiance à l’Invisible, à l’UN. Toutes ces personnes ignorent le Bonheur qui les attend à « Marcher en présence », toute la Joie qu’il y a à « Marcher en présence ».

Oseras-tu « Marcher en présence » ? Oseras-tu Écouter l’Autre qui te parle ? Oseras-tu faire confiance à l’Invisible au quotidien et accepter de marcher en sa présence dans la Rencontre de l’Autre[3], en cheminant avec l’Autre ? Qu’as-tu à perdre sinon à tout gagner ?

Au fond de toi, au cœur de ton cœur, tu sais qu’il y a une présence, mais tu ne peux ou ne veux point la nommer. Toutefois, c’est un fait, Il est là il t’attend au cœur de ton cœur, il t’attend au cœur de l’Autre, il t’attend sur la route pour « Marcher en présence ». N’aie pas peur, laisse-toi regarder par le Christ, car il t’Aime. Sors de tes peurs et de tes hésitations, car tu ne seras point déçu. Ose « Marcher en présence ».

© Léandre Syrieix.

 
[1] Également le « Sacrement de la Sœur ».
[2] Dans l’article « Un chemin sûr pour notre temps : les béatitudes. », nous avions insisté sur le fait que « Entendre » n’est pas « Écouter ». Voir http://leandresz.com/?p=3217
[3] L’autre c’est l’ensemble de tous les témoins de foi qui t’entourent.
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