Né en Algérie où il fut évêque, il a marqué tout le christianisme Inspiré des œuvres d’André Mandouze.

Saviez-vous qu’un des plus grands bestsellers, même encore aujourd’hui, est un livre qui date de 1600 ans et dans lequel l’auteur raconte sa recherche de Dieu et sa conversion retentissante à l’âge de 33 ans? Il s’agit des «Confessions» de saint Augustin. Regardez dans les librairies. Vous verrez ce livre. Ça se vend toujours. C’est passionnant.

Saint Augustin a eu plus d’influence qu’à peu près n’importe qui, sauf sans doute saint Paul* et saint Jean*, et aussi saint Thomas d’Aquin* et peut-être un ou deux autres écrivains sacrés. Son influence a parfois été mal interprétée, d’accord, mais en tout cas, on la retrouve un peu partout depuis seize siècles. Au point que la grande collection de La Pléiade vient de publier les oeuvres compètes de saint Augustin. Une magnifique édition, comme les quelques centaines de volumes de cette collection fabuleuse de la maison d’édition Gallimard.

Pour mieux comprendre saint Augustin, il faut se rappeler tout d’abord, et c’est très important, que ce personnage immense a d’abord été un homme. Il ne faut pas oublier cela. C’est un homme qui a vécu sa vie d’homme, comme on dit aujourd’hui. Il avait une femme dans sa vie à dix-sept ans. Il a même eu un fils à 19 ans, Adéodat, Don-de-Dieu. Pourtant, il a réussi à faire de sa vie ce que l’on peut appeler une grande réussite religieuse.

Saint Augustin est né le 13 novembre 354, en Numédie, en Afrique du Nord. La Numédie est depuis devenue l’Algérie. C’est donc entre le Maroc et la Tunisie. Il n’y avait évidemment pas de musulmans à cette époque, en Afrique du Nord, ni nulle part ailleurs. Le fondateur de l’Islam, Mahomet ou Mohamed, ne surgira en effet en Arabie que deux cents ans plus tard. L’Afrique du Nord est donc chrétienne, comme l’Égypte, tout le Moyen-Orient et aussi l’Asie Mineure, aujourd’hui la Turquie, qui est à 99,3% musulmane aujourd’hui. Tous ces pays sont devenus rapidement musulmans à compter du septième siècle, et ils le sont de plus en plus. Les persécutions que subissent les derniers chrétiens du Moyen-Orient, de l’Égypte et de la Turquie font d’eux des réfugiés un peu partout dans le monde démocratique. Depuis quelque temps, on sait que les Chaldéens catholiques et autres chrétiens quittent en grand nombre l’Irak devant les persécutions. C’est devenu depuis vingt ans une véritable catastrophe dont à peu près personne ne parle. Et que dire des chrétiens d’Israël? Bethléem se meurt. Le maire chrétien de Bethléem est soumis à un parti politique musulman extrémiste. J’ignore pourquoi on fait semblant d’ignorer la misère de nos frères et soeurs de ces pays autrefois chrétiens. Peut-être qu’en en parlant, on risque de susciter la colère des musulmans qui persécuteront davantage nos frères et soeurs. C’est fort possible. Mais je ne crois pas au silence dans de tels cas. Car si plus de musulmans se rendent compte de l’horreur, ils se décideront, espérons-le, à corriger leur conduite inhumaine.

Le père de saint Augustin, Patricius, était membre de la religion traditionnelle de l’empire romain. Mais sa mère, une bonne Berbère, était catholique. Augustin ne sait trop quelle religion choisir. Car il y en a bien d’autres dont d’importantes sectes chrétiennes. Or heureusement pour le jeune Augustin, sa mère, sainte Monique*, est une catholique convaincue. Elle aura donc, avec bonté, une très grande influence sur lui. Elle saura lui faire comprendre très jeune qu’il faut au moins reconnaître que nous avons un seul Maître qui est le Maître du Monde. On le voit bien dans ses «Confessions». Notons que ce livre n’est pas qu’une simple autobiographie. C’est la partie de sa vie avant sa conversion au catholicisme. C’est donc surtout sa recherche inquiète de Dieu, sa démarche vers Dieu.

Sa vie de jeune homme plus ou moins dissolue lui pèse. «J’ai alors décidé de me mettre à l’étude des Saintes Écritures. Mais justement ce que j’y ai lu m’a paru indigne de la sagesse de Cicéron.» Il avait lu l’Hortensius de Cicéron et en avait été bouleversé. La sagesse de ce grand auteur païen le fait donc s’éloigner des conseils de sa mère, sainte Monique. Il devient manichéen, secte répandue qui se base sur l’existence de deux principes, deux dieux, l’un du Bien et l’autre du Mal. Mais saint Augustin a quand même des doutes au sujet de cette doctrine. Il rencontre un évêque manichéen et sort de cette conversation extrêmement déçu. Il quitte Carthage, ville voisine de Tunis, où il enseignait depuis près de dix ans. Il a vingt-huit ans. Il se rend à Rome, puis à Milan dans le Nord de l’Italie.

À l’automne de 384, il entend quelqu’un qui est aussi, comme lui, un orateur formidable. Saint Augustin est touché par la parole de cet homme qui dit les vraies choses, en citant la Bible. C’est Ambroise. Saint Ambroise était gouverneur de Milan quand la foule l’a choisi pour devenir évêque de cette grande ville. C’est comme si l’on choisissait le maire de Montréal ou de Québec pour en faire l’archevêque! Cet évêque, Ambroise, était un orateur de grand talent. Augustin l’écoute attentivement et prend la décision de quitter le manichéisme.

Saint Augustin, dans un de ses plus beaux textes rapporte que saint Ambroise lui a permis de faire le lien entre la philosophie véritable et la vraie religion. «Il a fallu bien des siècles et bien des discussions pour en arriver à ce que je considère comme la seule doctrine philosophique parfaitement vraie. Car cette philosophie chrétienne n’est pas celle du monde, mais celle d’un autre monde, le monde intelligible. C’est impossible pour ceux qui ergotent sur les plus grandes subtilités de la raison humaine de ramener les âmes aveuglées par les ténèbres de l’erreur. Ces pauvres âmes sont enfouies sous l’énorme amas des souillures du sexe déchaîné et de l’égoïsme. C’est finalement le monde intelligible de la philosophie chrétienne qui seul nous enseigne que le Dieu souverain a cédé à un mouvement de tendresse envers son peuple…»

Et saint Augustin ajoute: «Oui, l’autorité divine s’est inclinée jusqu’à se soumettre au corps humain lui-même en Jésus-Christ. Alors, sous l’impulsion des conseils de Jésus-Christ et des préceptes, mais aussi sous l’influence de ses oeuvres, les âmes sont en mesure de rentrer en elles-mêmes. Oui, oui, les âmes peuvent sans grandes discussions retrouver le goût du ciel et du vrai bonheur».

À cette époque où saint Augustin affirme sa foi en un Dieu qui vient au secours des âmes, les gens ne font pas tellement de différences entre la foi et la philosophie. Ce que saint Augustin veut dire, c’est que Dieu n’est pas vraiment connaissable dans les limites de notre intelligence. L’intelligence ne peut en effet que nous permettre de savoir que Dieu existe. Ce qui manque à l’intelligence, c’est la foi chrétienne qui permet de comprendre que Dieu nous aime vraiment.

Le récit de la conversion de saint Augustin, les «Confessions», est un classique qu’il faut absolument connaître. Ce récit rédigé par ce grand saint a émerveillé des générations de lecteurs depuis plus de mille cinq cents ans et il en surprend encore beaucoup qui vont de nos jours se procurer ce best-seller. Il suffit d’aller dans les grandes librairies. On y trouve toujours les «Confessions» de saint Augustin à très bas prix. C’est un ouvrage magnifique. Je l’ai même conseillé à certains prisonniers dont un jeune meurtrier qui en a été très bouleversé, car il avait l’impression de s’y retrouver.

C’est à Milan, dans le nord de l’Italie, que Augustin d’Hippone, en Algérie, entend un sermon de l’évêque saint Ambroise qui le saisit. Il veut aussitôt apprendre ce qu’est ce christianisme qui lui semble authentique. Il s’inscrit sur la liste des catéchumènes de l’Église catholique, c’est-à-dire de ceux et celles qui aimeraient bien recevoir le baptême le jour de Pâques. Augustin vient d’abandonner une secte chrétienne très populaire et aussi, semble-t-il, sa compagne, mère de son jeune fils, et quelques autres amies. Il cherche. Il est vraiment dans l’incertitude et se voit tenté par un scepticisme radical.

Il ne croit plus en rien comme ceux qui de nos jours s’amusent à lire «Da Vinci Code», ce livre invraisemblable pourtant écrit par un bon romancier. C’est un immense succès de librairie : trente millions d’exemplaires. C’est que le «Da Vinci Code» attaque de façon pseudo- scientifique la foi catholique; or c’est la mode aujourd’hui de lire tout ce qui attaque l’Église. Il vaudrait mieux que ces lecteurs avides de sensation et de scandales lisent maintenant «Les secrets du Code Da Vinci» de Dan Burstein paru chez «Les Intouchables». C’est une réponse fort valable à ce roman qui fait des ravages parmi les catholiques. Burstein traite en 500 pages des questions fondamentales en scholar, citant au besoin des auteurs importants pour appuyer sa défense des vraies choses. On pourrait dire de lui que c’est une sorte d’Augustin moderne, à sa façon, un défenseur de la foi.

Augustin, éminent professeur et intellectuel fort apprécié, reçoit donc le baptême à Milan en compagnie de son fils de 14 ans, Adéodat. Il y a plusieurs textes très révélateurs de saint Augustin dans lesquels il explique sa conversion, Il souligne avec raison qu’il ne peut pas y avoir de «conversion» sans un mouvement intérieur qui fait qu’on «se détourne de» pour «se tourner vers». Pour mieux comprendre ce qu’il veut dire, j’ai pensé vous citer l’un de ses plus beaux textes. C’est un texte devenu un classique qu’il faut connaître. C’est évidemment dans ses «Confessions». On le connaît sous le titre de «La Scène du jardin». Nous sommes donc au mois d’août 386, à Milan.

«Notre logis avait un petit jardin. J’y suis allé pour réfléchir. Mon grand ami Alypius me suivait de près. Nous nous sommes assis le plus loin possible de la maison, J’étais tout frémissant, l’esprit bouleversé par une extrême indignation. Ô mon Dieu, cette indignation me venait de ce que je n’acceptais pas encore l’alliance que tu voulais me voir décider avec toi! Au-dedans de moi, je me disais : Voici le moment d’en finir, le moment de dire oui. J’étais au bord de dire oui, mais je n’y arrivais pas. Et à nouveau, je faisais une tentative, Je touchais au but, je le tenais. Mais non, je n’y étais pas, je n’y touchais pas. J’hésitais à mourir à la mort et à vivre à la vie. Plus l’instant approchait, plus cela me frappait d’épouvante. J’étais angoissé. Mon ami Alypius s’en est aperçu: je ne sais pas ce que j’avais pu dire à haute voix… Et c’est alors que je me suis levé. Alypius, lui, est demeuré assis: il était au comble de la stupeur. Quant à moi, je suis allé m’étendre sous un figuier et je me suis mis à pleurer : « Mon Dieu, encore combien de temps? Combien de temps? Pourquoi pas tout de suite? Pourquoi pas en finir tout de suite avec ma honte? »

«C’est ça que je me disais. Et je pleurais doucement. Mon cœur était comme broyé. J’ai entendu alors une voix venant de la maison voisine, comme d’un garçonnet ou d’une fillette, qui fredonnait à la manière d’une ritournelle: « Prends, lis, prends et lis! » En hâte, je suis revenu à l’endroit où Alypius était assis. J’avais posé là les épîtres de l’Apôtre saint Paul. Je le saisis, je l’ouvris et je lus en silence le premier chapitre qui m’est tombé sous les yeux: « Comportez- vous donc honnêtement, comme en plein jour; fuyez donc une fois pour toutes les coucheries, l’ivrognerie, les débauches. Lâchez les orgies! Gardez-vous aussi des querelles et des jalousies. Revêtez-vous donc enfin de Notre Seigneur Jésus-Christ et ne vous préoccupez pas du sexe et de la chair pour y satisfaire vos plaisirs déréglés ». – Je n’ai pas voulu en lire davantage. Je n’en avais pas besoin, J’ai senti dans mon coeur une lumière apaisante. Et toutes les ténèbres de mon doute sont disparues.»

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