En l’occasion de la célébration de la «Saint-Valentin » de cette année, 2021, je viens vous parler avec mon cœur, vous livrer un message d’Amour. Alors que je recherchais dans ma bibliothèque un document, je suis tombé sur un document : L’Église face au racisme. Pour une société plus fraternelle[1]. J’ai soudainement ressenti remonter en moi certains événements antérieurs, des expériences vécues en lien avec mes origines, ma couleur de peau, d’autant plus qu’au Canada, nous soulignons du 1er février au 1er mars de chaque année le Mois de l’histoire des Noirs. La lecture de ce document m’a poussé à vous partager quelques fruits, mes réflexions en lien avec mon expérience personnelle en tant que Noir et mon message du Cœur en cette « Saint-Valentin ».

De fait, la première version du document mentionné précédemment, L’Église face au racisme. Pour une société plus fraternelle, date de 1989. Les développements au début des années 2000 justifiaient l’intervention du Conseil Justice et Paix à la conférence mondiale de Dublin contre le racisme. Mais avec les événements encore plus récents liés au racisme ou à la discrimination comme la mort de George Floyd, de nombreux écrits, des interventions étatiques et ecclésiales, des couvertures médiatiques, etc., semblent encore plus que justifiés. Même si l’abolition de l’esclavage sur papier est une avancée, dans les faits, la pratique de celle-ci perdure (§4) partout et sous diverses formes.

Face au racisme, l’Église appelle à la conversion des cœurs (§5), car il n’y a que cela qui puisse rendre efficace une avancée de l’abolition de l’esclave sur papier. Parler au cœur humain, particulièrement en cette célébration de la « Saint-Valentin », fête de l’Amour, est une urgence, car cela constitue une exigence de la responsabilité chrétienne. Le Pape Jean Paul rappelait en 2000 que le chrétien ne saurait tenir des propos racistes ou agir de manière discriminatoire ; mais il est triste de constater que plusieurs chrétiens d’ici et d’ailleurs posent de tels gestes ou contre-témoignages de la vie chrétienne. C’est encore plus grave lorsque l’on retrouve cela au sein de communautés chrétiennes, d’Institutions religieuses et civiles. Les demandes de pardons initiés par l’Église visaient une purification de la mémoire (§6). Toutefois, une telle purification de la mémoire n’a pas de réels effets sans véritable conversion personnelle et communautaire : « aucun processus de paix ne pourra jamais être engagé si ne s’affermit chez les hommes une attitude de pardon sincère (§8). » En plus de la purification de la mémoire, elle a proposé la culture de la paix par des institutions et groupes d’influence (§10), la vérité et la justice qui ne sont pas toujours faciles (§11), surtout lorsqu’il y a refus de reconnaissance de faits (ex. racisme systémique ou systématique) ou manipulation des informations. De fait, la vérité est la première étape à toute réelle justice. L’Église a également proposé la réparation comme une piste en tant qu’obligation morale, en tant qu’exigence découlant du Droit au développement de chaque peuple (§12).

Il est important de ne pas oublier que les préjugés, l’ignorance, l’éducation erronée et insuffisante constituent les racines du racisme et de toutes les formes de discrimination (§13). La solution urgente n’est rien d’autre que «l’éducation » qui vise à permettre aux hommes et aux femmes de devenir plus hommes et femmes, à être davantage plus qu’à avoir davantage (§14). En ce sens, au cœur de l’éducation, en particulier celui des jeunes générations, certains éléments devraient être visés : l’unité du genre humain, la dignité humaine, la solidarité qui lie tous les membres de la famille humaine (§15) et très chère au cœur du Pape François tel que le montre l’Encyclique Fratelli Tutti (2020). Les médias jouent également un rôle crucial en matière d’éducation tel qu’évoqué précédemment. Ainsi, que ceux et celles qui ont la responsabilité d’informer visent toujours la recherche du Bien commun à partir d’une information dont la vérité, la liberté, la justice et la solidarité en constituent le fondement (§16). Par exemple, ne devrait-il pas avoir plus de couvertures médiatiques sur le Mois de l’histoire des Noirs ?

La religion, plus particulièrement la foi chrétienne joue un rôle essentiel dans cette éducation. Ainsi, comme chrétiens, que par notre témoignage de foi, nous montrions que la religion inspire la paix, que nous encouragions la solidarité, que nous promouvions la justice, que nous défendions la solidarité. Montrer le contraire ne serait pour nous, qu’un contre-témoignage des valeurs chrétiens. L’essentiel du message du Christ dans les Évangiles porte sur l’Amour du prochain. Alors, comment pouvons-nous, comme chrétiens tenir des propos racistes ou poser de tels gestes ? La célébration de la « Saint-Valentin » pourrait être une occasion de nous approprier la célébration et le sens de l’Amour de l’autre dans sa différence. Il ne s’agit plus d’un amour enfermé dans une relation intime à deux, mais tourné vers tous les autres au-delà de leurs origines.

Faire l’expérience de la discrimination liée à sa couleur de peau ou à ses origines est une douleur que seules les personnes comme moi qui l’ont vécu peuvent « essayer de décrire ». Être tabassé en pleine rue sous le regard de tous par deux personnes sans l’intervention des personnes assistant à la scène au loin et une telle agression accompagnée d’injures dont les mots sont chargés de haines constituent mon expérience. Ces évènements ont nourri un instant en moi de la colère, le sentiment d’être un animal ou un sous-humain. Mais la question qui m’habitait était de savoir comment je pouvais être chrétien et nourrir une telle colère et sentiment d’indignité. Il n’y a que la foi et le commandement d’Amour du prochain qui m’ont poussé à changer de regard, à aimer et à prier durant plusieurs années pour mes agresseurs. Si je suis capable aujourd’hui, en cette « Saint-Valentin », de dire tout mon Amour à une personne chère, c’est sans aucun doute parce que je suis capable de percevoir qu’elle a du prix, une valeur, une dignité qui me pousse à lui faire révérence. Mais, suis-je capable de tourner un tel regard vers une personne différente, en particulier vers le prochain dont les origines me font peur ou me sont inconnues?

À toi qui lis ces lignes, peu importe le regard que tu portes sur les minorités visibles, je veux te dire que «Je t’Aime » et que l’Amour qui a été mis en moi par l’Esprit de Dieu est plus fort que tout et transcende les barrières de la haine ainsi que du racisme. J’ai prié pour toi afin que ces quelques lignes soient en toi une semence qui pourra porter comme fruit l’Amour de tous ces hommes et femmes qui, comme moi, sont des minorités visibles. Que cette « Saint-Valentin » soit pour toi l’occasion de regarder Avec Amour des personnes différentes de toi par leurs couleurs.

© Ab. Léandre Syrieix.

 

[1] Conseil pontifical “Justice et paix”, L’Eglise face au racisme : pour une société plus fraternelle, Cité du Vatican, Saint-Siège, 2001.


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