« Que vois-tu ? »


Sm 16, 1b.6-7.10-13a – Ps 22 (23) – Ep 5, 8-14 – Jn 9, 1-54 : 4ième dimanche du Carême (A)

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Et si cette question t’était posée ? Que répondrais-tu ? Voilà une question sans piège qui nécessite de chacun de nous une réponse. Voilà une question pertinente à se poser aujourd’hui et qui ne demande pas de réflexion ni de calculs. À partir de quoi, de quelle situation, de quel lieu, de quelle expérience, de quelle posture, de quel regard, de quelle émotion, etc., répondras-tu à cette question ? Certains répondront sans doute à partir de ce qu’ils perçoivent à l’instant, par une description claire, précise et concrète. D’autres répondront à partir de l’émotion qui les habite : joie, tristesse, découragement, espérance. Aucune des réponses données ne peut être qualifiée de mauvaise puisque la personne qui répond le fait à partir d’elle-même et personne ne peut entrer en elle ou deviner son état d’âme au moment où elle répond.

« Que vois-tu ? » La réponse à cette question suppose d’abord de « regarder ». Nous avons besoin de regarder, d’observer pour dire ce que nous voyons. Or, bien souvent, nous regardons l’apparence ; nous observons en considérant souvent l’apparence. Voilà comment le monde regarde. Pourtant, les chrétiens sont appelés à regarder au-delà des apparences ; à regarder comme Dieu regarde. Ainsi donc, si nous regardons à la manière du monde, nous ne pourrons que, à la question « Que vois-tu ? », décrire de manière biaisée l’humanité, le monde et la société. Nous ne serons pas capables de voir en profondeur, de transcender les apparences ou les maux qui minent nos sociétés et le genre humain. Car il y a plus beau, plus grand, plus profond, plus haut, etc., que ce que nous percevons extérieurement ou par les apparences.

Pour voir l’humanité et le monde comme le Seigneur, nous avons urgemment besoin de nous réveiller de nos sommeils ; nous devons cesser de nous laisser endormir par tout ce qui est superficiel et les horreurs perceptibles par les apparences ; nous avons besoin de nous laisser illuminer par le Christ. Or, les prophètes de malheur actuels qui décrivent sombrement humanité ou peignent la société de manière obscure ne font que montrer l’état de le leur cœur ; leur adhésion aux activités ténébreuses ; leur conception sombre de la vie et de l’humanité qui ne peut rien produire de bon. Il n’y a que le Christ qui puisse révéler à tout être humain ce qu’il y a à voir de plus beau et de plus profond en chaque femme et chaque homme, même les plus méchants ou criminels. C’est par ce regard que Jésus a vu plus grand et plus beau dans la femme adultère, dans la prostituée, dans la samaritaine, dans le collecteur d’impôts, dans Zachée, dans le Bon Larron, dans Pierre, etc. C’est par ce regard qu’il perçoit en nous bien plus que nos péchés, nos bassesses et qu’il nous manifeste continuellement la miséricorde et l’Amour de son Père.

Pour voir de la sorte, nous devons être libérés de nos cécités, de nos barrières, de tout ce qui nous aveugle. Or, bien de choses obscurcissent nos regards : nos ambitions personnelles, nos prétentions, notre orgueil, etc., et surtout notre refus de la personne de Jésus-Christ qui nous révèle son Père et Notre Père. Il ne s’agit pas uniquement de « Croire » en Dieu ; car c’est plus que cela, c’est « Croire au Fils de Dieu ». De fait, il est plus facile pour un bon nombre de nos contemporains d’affirmer croire en Dieu qu’ils ne voient pas, en un Dieu conçu à leur mesure qu’en son Fils. Croire en Jésus-Christ, c’est croire qu’il nous révèle le visage du Père ; qu’il nous manifeste la présence cachée de Dieu, présence spirituelle et réelle chaque jour : là où l’humanité souffre ; là où la raison est limitée ; là où nos collectivités ont capitulé ; là où des femmes et des hommes sont défigurés ; là où la création est bafouée…

Parce que la foi en Jésus-Christ, le Fils de Dieu, nous fait reconnaître sa présence dans l’hostie ; alors cette même foi nous fait le reconnaître en chaque femme, en chaque homme, en chaque situation, en chaque lieu, en chaque circonstance. Ainsi, à la question, toute personne qui confesse en acte et en vérité la foi au Fils de Dieu est en mesure de répondre ce qu’elle voit de plus beau, de plus grand, de plus haut, de plus profond, de plus large et qui n’est rien d’autre que le reflet de Dieu.

© Ab. Léandre Syrieix.

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