De qu[o]i ai-je faim ?


R 4, 42-44 – Ps 144 (145) – Ep 4, 1-6 – Jn 6, 1-15

Célébration de la Parole (Vélo-LiturGym) : 17e dimanche du Temps Ordinaire (B)

« Il est écrit : L’ [humain] ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » (Mt 4, 4) Pourtant, il a besoin de manger pour être en vie et dans les textes de la liturgie du jour, il est question de nourriture, notamment de « faim ». On en retrouve diverses formes. Quelles sont-elles ? Et qu’elle est la mienne ?

La famine entendue comme manque de nourriture pour alimenter le corps est au cœur de l’extrait de texte du livre des Rois. C’est un fléau qui actuellement, touche un grand nombre de personnes à travers le monde, voire près de nous. Toutefois, la famine frappe certaines régions spécifiques du monde et aggrave le faussé Nord-Sud. C’est dans un tel contexte de famine généralisé qu’un homme offre à Élisée la quantité de pain suffisante pour une vingtaine de personnes, du moins en situation de disette. Cela peut laisser penser que celui-ci est dans l’abondance. L’homme de Dieu, Élisée, accueille le don (20 pains), mais se fait solidaire de la situation des autres, il se laisse toucher au plus profond de ses entrailles par la faim qui accable ses proches et ordonne à son serviteur de donner ces pains aux cent personnes présentent. Le serviteur ne demande pas à Élisée « Pourquoi » donner ces pains aux affamés, mais « Comment » ? Manifestement, l’ordre d’Élisée semble illogique : diviser 20 pains pour 100 personnes, un pain pour 5 personnes. En effet, le Seigneur à travers cet extrait du livre des Rois veut convertir nos regards et nos manières de penser qui sont habituellement très rationnelles. Il nous invite à faire confiance face aux choses de la foi, lorsqu’elles peuvent sembler illogiques. Le Seigneur nous interpelle ainsi pour que nous laissions sa grâce agir au cœur de nos vies. Plusieurs hommes et femmes de notre époque ont posé de tels gestes comme l’Ab. Bruno Veret qui a fondé la « Bouchée généreuse » ou Mme Colette Samson, fondatrice de la « Maison revivre », etc. Au départ de ces fondations, ils ne se sont pas demandés « Comment » ils allaient faire avec le peu de moyens qu’ils possédaient, mais ils ont fait confiance et le Seigneur a pourvu. Il continue à pourvoir, ainsi tant d’hommes et de femmes, à travers ces œuvres, peuvent encore être apaisée de leur famine quel qu’en soit la forme.

Dans l’Évangile du jour, on fait face à une autre forme de famine, celle des signes. La foule suit Jésus parce qu’elle a vu de nombreux signes qu’il a accomplis et en redemande. Par ailleurs, cette foule a besoin de nourriture pour refaire ses forces physiques et le Christ demande à ses Apôtres de les nourrir. Mais, il fait face à Philippe, qui d’après le texte, semble pragmatique, économiste ou financier comme on dirait aujourd’hui : « Le salaire de 200 jours ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. » De plus, pour nourrir cette foule, ce n’est pas une personne aisée qui fait le don du nécessaire, mais un jeune garçon qui, probablement, offre son repas de la journée. Pourquoi ? Croit-il Jésus capable de faire un signe plus grand que ceux qu’il a déjà vus ? Tandis que André se questionne (« Qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »), le jeune garçon se contente d’offrir ce qu’il possède pour la cause, sans questionner, dans la simplicité du cœur. Ensuite, Jésus pose un acte : Action de grâces. Même pour si peu de pain (5 pour 5000 personnes), il rend grâce. Voilà comment il s’adresse au Père pour ce don de 5 pains, mais aussi pour l’autre signe qu’il va poser. Ainsi, le Seigneur nous enseigne une attitude importante dans notre manière de nous adresser à Dieu : l’Action de grâces précède toute prière de demande. Par ailleurs, des milliers de personnes sont nourries, il y a beaucoup de restes, mais le Seigneur ordonne de ne pas gaspiller : « Rassemblez les morceaux en superflus ». N’est-ce pas une interpellation à chacun de nous dans un contexte actuel de gaspillage ? Plusieurs organismes et communautés religieuses[1] mettent en application cette invitation du Christ en rassemblant les restes afin de subvenir aux besoins de pauvres. Finalement, la foule veut s’accaparer de Jésus, non pas parce qu’elle est rassasiée de pain, mais de signes.

Et moi ? De qu[o]i ai-je faim ? La réponse à cette question est individuelle et dépend de mes aspirations profondes : Ai-je faim de pouvoir, de connaissance, de science, d’être aimé, d’attention, de santé, de Dieu, etc. ? Quoi qu’il en soit, Paul indique aux baptisés l’importance d’avoir faim d’unité. Pour ce faire, trois vertus sont à cultiver : humilité, douceur et patience. Cela nécessite une attitude : supporter avec Amour. Sans ces deux éléments (vertus et attitude), la recherche de l’unité est une quête vaine. La Bonne Nouvelle pour nous aujourd’hui c’est qu’il y a un seul Seigneur, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, pour tous, par tous et en tous. Le Christ a donné sa vie sur la croix pour tous et non pas pour quelques-uns. Il est le Dieu de tous, même de ceux et celles qui le rejettent, que l’on juge, que l’on enferme dans leurs croyances ou leurs spiritualités différentes des nôtres. Ainsi, l’unité dont doit avoir faim chaque baptisé et à laquelle Paul convie dépasse la sphère du christianisme et porte sur toute l’unité du genre humain parce que nous sommes toutes et tous créés à son image. En effet, le Seigneur ne semble pas avoir fait vérifier par ses apôtres si chaque personne qui avait faim professait la foi en lui ni adhérait à sa doctrine avant de recevoir du pain. Pareillement, à la Bouchée généreuse ou dans tout autre organisme qui lutte contre la famine dans toutes ses formes, il n’est guère question de justifier d’une quelconque appartenance ou profession religieuse. Voilà un réel chemin vers l’unité auquel nous sommes conviés à cause de notre baptême, parce que le Seigneur est le Dieu de tous et nous envoie vers tous. Alors, De qu[o]i ai-je faim ? La réponse à cette question peut changer ma vision de l’Église, mon regard sur le monde, ainsi que mon implication pour la recherche de l’unité pour tout le genre humain.

© Léandre Syrieix.

[1] Bouchée généreuse, Œuvre de la soupe (Sr de la Charité de Québec), Souper populaire (Sr Missionnaires de la Charité), Famille Myriam Providence, etc.

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