AppeléS et envoyéS

[:fr]Photo : AELF[:]

Am 7, 12-15 – Ps 84 (85) – Ep 1, 3-14 – Mc 6, 7-13 Messe du 15ième dimanche du Temps Ordinaire (B)

 

L’appel qui est au cœur des textes de la liturgie de la Parole de ce dimanche se déploie de plusieurs manières dans la vie humaine. Ai-je déjà été appelé ? Ai-je auparavant appelé une personne ? Dans l’un ou l’autre cas, l’expérience n’est pas identique. Mais de quel appel s’agit-il dans les textes de ce 15ième dimanche tu Temps Ordinaire (B) ?

Dans la 1e lecture, Amos est « saisi » au cœur de son occupation, au cours de sa réalité mondaine, derrière un troupeau de bêtes, lorsqu’il travaille à la « sueur de son front ». Le verbe « saisir » dans ce texte renvoie à l’appel, c’est-à-dire « appeler », et on voit ainsi que cela se produit au cœur de la réalité quotidienne humaine, « sur le plancher des vaches ». Par ailleurs, dans ce texte on peut voir que c’est le Seigneur qui a l’initiative auprès d’Amos et non l’inverse. Cela indique que l’appel se reçoit d’un autre, du Tout-Autre. Aussi, Dieu n’appelle pas Amos juste pour lui dire un bonjour ou pour prendre des nouvelles, voire pour une « jasette », mais pour l’envoyer. Il est alors investi d’une mission et par le fait même, on constate que la mission se reçoit d’un autre, du Tout-Autre, elle ne se donne pas soi-même. Finalement, il y a un lien important entre « l’appel » et « la mission », car Dieu appelle pour envoyer. Toutefois, il existe une connexion entre le fait d’être appelé et celui d’être envoyé, c’est « l’écoute ». Sans cet élément, il n’y a pas de mission, car l’appel « tombe dans l’oreille d’un sourd ». S’il y a un lien entre appel, écoute et mission, alors pouvons-nous déduire qu’aujourd’hui il manque des ouvriers à la moisson parce que beaucoup n’écoutent pas malgré qu’ils soient appelés ?

Dans l’Hymne au Dieu Sauveur de la 2e lecture, on peut également relever l’appel à travers la mention « Il nous a choisis, dans le Christ… » (Ep 1, 4). Dieu appelle donc par la personne du Christ et dévoile les mystères du Salut. La mission est ensuite donnée par la marque de l’Esprit : « vous qui avez reçu la marque de l’Esprit Saint. » (Ep 1, 13) En effet, on peut faire allusion à la mission à travers le mention de l’Esprit-Saint puisque le Christ a promis envoyé ce divin paraclet (Jn 15, 26-27) pour l’annonce, pour le témoignage. Aussi, saint Paul signale : « En lui, vous aussi, après avoir écouté […] et après avoir cru, vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. » (Ep 1, 13) Ainsi, pour que la mission soit possible, un autre élément s’ajoute à l’écoute : la foi (croire). Il ne s’agit donc plus simplement d’écouter, mais aussi de croire, d’adhérer. Ce nouvel élément change la perspective de la mission.

Dans l’Évangile, le Christ appelle des Douze, et comme relevé dans la 1e lecture, c’est lui qui a l’initiative. Il y a toutefois ici une nouveauté, car Jésus les envoie en mission, non plus seul comme ce fut le cas avec Amos, mais « deux par deux ». Ainsi, pouvons-nous dire que notre appel personnel est complémentaire à celui de l’autre ? Que notre mission est une collaboration avec celle reçue par l’autre ? Que nous partageons la même mission ? Par ailleurs, le Christ donne une prescription pour la mission : ne rien prendre pour la route. Accepter une telle recommandation nécessite un véritable abandon, de la confiance, car par le fait même, il nous invite à quitter nos conforts pour la mission. Le Seigneur appelle et envoie en mission sans aucun manuel ni guide. Il invite donc à être disposé pour aller vers l’inconnu, au cœur de la réalité humaine et surtout, avec d’autres que nous n’avons pas forcément choisis, mais qui ont également reçu la même mission.

Nous sommes tous appeléS et envoyéS en mission par notre baptême. Le Christ nous fait participants de la mission qu’il a lui-même reçue du Père : voilà une bonne nouvelle pour nous aujourd’hui. Nous sommes donc des collaborateurs et des collaboratrices de l’œuvre de Dieu dans le monde. Cela est possible grâce à l’écoute de l’appel de Dieu, à l’adhésion à sa proposition et à notre aptitude à travailler ensemble pour la mission malgré la culture de l’individualisme très présente aujourd’hui. La recherche du bien personnel, du succès, de la gloire individuelle est fortement présente à tous les niveaux de la vie humaine : « Sème le désordre »[1], « Just do it »[2] (Fais-le), « Think different! »[3] (Penser différemment), « Deviens celui que tu es »[4], « Be good, be bad, be yourself »[5] (Sois bien, sois mal, sois toi), « America first »[6], « ma paroisse », « mon église », « mon clocher », « ma messe », etc. On peut donc voir que même dans nos pratiques chrétiennes, l’individualisme est présent, car « ensemble pour la mission » est de plus en plus orienté vers « moi et ma mission ». Puisse donc l’interpellation du Christ, son appel à la mission « deux par deux » retentir dans nos cœurs et changer nos manières de faire et de vivre un réel passage, celui du « je » au « nous » ; du « appelé et envoyé » à « appeléS » et « envoyéS ».

© Léandre Syrieix.

[1] Slogan publicitaire d’Adidas en septembre 2015.

[2] Slogan de Nike.

[3] Slogan d’Apple.

[4] Cf. Nietzsche (18885).

[5] Slogan du parfum Calvin Klein CK be.

[6] Slogan employé à maintes reprise par le président des É. U., M. Donald Trump.

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