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L’Amour est un mystère qui transcende l’entendement humain parce que toutes les fois qu’on se lance dans une entreprise visant à l’expliquer, on se heurte à l’Insaisissable. L’Amour est comme la Vie, car c’est ce qui échappe à la compréhension humaine. Aujourd’hui par exemple, tout ce que l’humanité entreprend pour avoir la main mise sur la vie se solde toujours par un échec ou des conséquences dramatiques sur tous les plans. Voilà par exemple ce qu’illustre Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley (1818). Manifestement, Victor Frankenstein veut faire jaillir la vie, il désire transcender le mystère, mais il parvient plutôt à créer un monstre. C’est aussi ce que l’on peut percevoir à travers toutes les lois qui semblent vouloir règlementer la vie (aussi bien de la conception, à la naissance ou encore à la fin de vie [mort]). Tout cela peut nous aider à tendre vers une certaine compréhension de l’Amour, à essayer de comprendre son principe qui échappe à notre contrôle, car c’est l’incontrôlable et l’insaisissable, c’est la transcendance même.
L’Amour, comme la vie, jaillit de l’inconnu. Il se donne, mais ne se commande pas. L’Amour est le moteur de la vie et de toute existence humaine. C’est lui qui procure un sens à tout ce que nous posons comme geste. Sans l’Amour, la vie humaine serait impossible, elle ne serait rien d’autre qu’une anarchie, notre monde n’existerait donc pas. De fait, c’est l’Amour qui nous fait prendre conscience de notre dignité humaine, mais aussi percevoir que l’existence vaut la peine d’être vécue. Alors, l’humanité vit pour aimer et non l’inverse. En effet, comme la vie est Amour, c’est donc l’Amour qui nous maintient en vie, et par le fait même, l’humanité ne vit que pour aimer, pour communiquer ce quelque chose qui l’anime, qui la constitue : l’Amour. De même, c’est l’Amour qui rend possible l’existence avec les autres, le « vivre ensemble », car sans lui, on ne saurait être capable de reconnaître chez l’autre la dignité humaine, ou encore voir en l’autre notre semblable, notre ressemblance, quelque chose de nous-mêmes, notre similitude. Donc, sans l’Amour, les relations humaines seraient chaotiques, il n’existerait plus personne sur la Terre.
Voilà ce qui pourrait, sans aucun doute, expliquer la source des conflits entre personnes, entre États ainsi que toutes les formes de rejets : homophobie, myosine, xénophobie, tribalisme, racisme, islamophobie, christianophobie, etc. De fait, l’Amour n’a pas de préférence sexuelle, elle n’a pas d’âge, de couleur, de classe sociale, culturelle, ethnique, etc., L’Amour est simplement ce qui nous fait vivre et ce qui rend possible le « vivre ensemble » ainsi que la recherche du « bien commun ». Toutes les fois que l’humanité, au nom de l’idéologie, rejette l’autre (peu importe les raisons), elle manifeste un manque d’Amour. Cela s’explique par le simple fait qu’elle « n’aime pas assez ». De toute évidence, c’est parce qu’il y a dans son cœur une certaine « distorsion de la vision béatifique de l’Amour » dont le principe est de se donner et de nous ouvrir à tous, et à toutes sans barrières ni calculs. Il en est de même pour tous les actes malveillants posés à l’égard d’autres créatures non humaines (plantes, animaux, etc.). Tous ces gestes et agissements ne sont que le reflet de la « distorsion de la conception de l’Amour », car dans ce cas de figure, la vision erronée de l’Amour qui habite le cœur de l’humain repose sur le fait qu’il n’y a que lui, c’est-à-dire la catégorie humaine qui compte ou qui ait de la valeur. Pourtant, l’humanité ne vit point dans le néant puisqu’elle est en totale dépendance avec son milieu, elle est en relation avec la nature qui est pour elle comme une sœur, une mère, un membre de sa famille, du cosmos : « Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui. » (1 Co 12, 26) Les cas de figure sont variés et nous trouverons toujours des excuses, des moyens pour justifier et défendre nos croyances, nos conceptions, etc.
Quoi qu’il en soit, si nous essayons de regarder objectivement la vie de l’humanité, nous remarquerions que l’Amour est sans aucun doute ce qui la fait vivre ou l’anime. De toute évidence, c’est par Amour que les peuples se battent, notamment pour leur liberté, pour les leurs. C’est également par Amour que toute personne s’oriente vers une profession donnée, même si ce n’est plus toujours le cas aujourd’hui à cause du contexte socio-économique où pour survivre, les personnes sont quelques fois contraintes de faire tout genre de métiers qui ne correspondent pas à leurs aspirations[1]. Aussi, c’est par Amour que les parents sont prêts à tous les sacrifices inimaginables pour leurs enfants. C’est par Amour que d’innombrables hommes et femmes se dévouent au quotidien à travers tout genre d’engagement à court, à moyen ou à long terme.
C’est souvent au cœur des tragédies que l’on est témoin de toute la générosité, de la bonté, etc., dont l’humanité est capable. C’est dans des situations critiques que l’on atteste toutes les qualités qui animent les hommes et les femmes qui viennent en aide aux victimes et leur manifestent de la solidarité. Cela montre clairement que l’Amour n’a pas de couleur ni d’appartenance de quelqu’ordre que ce soit. Nous indiquions en ce sens précédemment que l’Amour n’a pas de sexe, car son principe est de se donner, gratuitement. L’humanité est appelée à Aimer et à se laisser Aimer. L’Amour est donc ce qui devrait l’habiter et transparaitre au quotidien par le biais de toutes les sortes de relations humaines : amicale, amoureuses, professionnelles, etc. Alors, si le principe de l’humanité est d’Aimer, pourquoi certaines personnes affirment qu’aimer son semblable, même du même sexe, est anormal ? Qu’y a-t-il d’anormal à aimer ? Dire qu’il n’y a rien de normal dans le fait qu’une femme en aime une autre ou encore qu’un homme en aime un autre revient simplement à remettre en question le principe même de l’Amour. C’est aussi limiter l’Amour au niveau familial[2], conjugal, religieux[3], etc. Bien sure, il est important d’être clair et en vérité avec le type d’Amour dont on parle : Éros, Agapè, Caritas ? Le Pape Benoît XVI dans sa première encyclique a apporté quelques spécifications à ce sujet[4].
Pour des raisons culturelles ou encore à cause de l’éducation reçue, certaines personnes ont beaucoup de mal à dire ou à manifester de quelque manière que ce soit à l’autre (du même sexe ou non) l’Amour qu’elles ont ou éprouvent. Pourtant, le Christ, par ses attitudes, ses gestes et ses paroles nous montre l’exemple à suivre, comment vivre dans l’Amour : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaitra que vous êtes mes disciples » (Jn 13,25). Cet Amour n’a pas de frontière de quelque nature que ce soit. Tout chrétien, disciple à la suite du Christ, est appelé à vivre de cet Amour et à le transmettre. C’est aussi ce que, d’une autre manière, nous avons exposé à travers L’évangélisation par la gestuelle[5].
N’est-ce pas également l’interpellation de l’auteur de la Première Lettre de Saint Jean ? : « Si quelqu’un dit : “J’aime Dieu”, alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. » (1 Jn 4, 20) N’y a-t-il pas contradiction ? En effet, l’Amour n’est pas une idée, cela ne s’explique pas comme une recette de cuisine ou encore comme une équation mathématique, cela se vit tout simplement à l’instar de l’Amour d’une mère pour son enfant. C’est ce que nous avons illustré dans La cohérence de l’illogisme de l’Amour[6]. Cela fait aussi écho chez Paul : « J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. » (1 Co 13, 2) C’est donc l’Amour qui donne du sens à nos vies comme nous l’indiquions antérieurement. C’est l’Amour qui anime toutes les sphères de la vie humaine. En ce sens, tout geste posé qui n’est pas animé par l’Amour n’est pas authentique.
L’Amour est la force qui nous habite, qui est enfouie au plus profond de nous et que nous sommes appelés à découvrir, à scruter et à nous en servir. Disons même que l’Amour est appelé à être notre respiration. L’analogie avec la force physique qui nous habite peut aider à mieux cerner notre propos. De toute évidence, nous avons, comme personnes humaines, de multiples capacités : physique, psychiques, intellectuelles, spirituelles, etc. Toutefois, nous ne connaitrons jamais leurs véritables natures ou encore leur intensité si nous n’apprenons pas à découvrir leurs propriétés, leurs limites, etc. C’est donc en s’exerçant au quotidien par divers moyens, comme dans le cadre d’un exercice physique ou sportif, que nous apprendrons à mieux les connaître. Il en est de même pour cette force en nous qu’est l’Amour. Il nous incombe donc de la scruter, de l’habiter pour ne vivre que d’elle et nous laisser entrainer par elle sur des chemins insoupçonnés.
C’est l’Amour, cette force qui nous anime, qui nous fera tendre continuellement la main à nos ennemis, aux personnes qui nous persécutent, qui nous rejettent. C’est cette force qui fera en sorte que notre réponse à tout genre de questionnements, à toutes les attaques quelle qu’elles soient, etc., vise à construire, à entrer en relation avec l’autre, car comme l’indique Saint Paul,
« L’Amour prend patience ; l’Amour rend service ; l’Amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. » (1 Co 13, 4-7)
C’est l’Amour qui, non seulement nous rend Capax Dei (capables de Dieu), mais aussi qui nous fait crier comme Thérèse de Lisieux, « ma vocation, je l’ai trouvé, c’est l’Amour ». C’est également l’Amour qui nous rend semblables à Dieu, qui nous manifeste sa gloire dans la mesure où comme lui, l’humanité devient capable d’Aimer[7].
© Léandre Syrieix.
[1] Parfois, c’est à cause de la soif de certains de gagner plus et donc, de s’orienter vers le métier le plus offrants.[2] Dans la mesure où un homme qui aime son frère, son fils, son cousin ou encore une femme qui aime sa fille, sa cousine, sa sœur, etc., pose un geste acceptable. De toute évidence, ce n’est qu’une chose normale, socialement et/ou culturellement acceptable.
[3] En communautés de vie, en paroisses, etc., on parle par exemple d’Amour entre frères et sœurs « en Christ ». Mais, souvent cela reste superficiel et on fait alors attention aux paroles, aux gestes parce qu’il y a une peur ou un malaise dans le fait que de mauvaises interprétations ou analyses peuvent être faites au sujet de cet « Amour » que l’on vit ou témoigne à nos confrères ou consœurs de même sexe que soi.
[4] Benoît XVI, Lettre encyclique. Deus Caritas Est, http://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20051225_deus-caritas-est.html (consulté le 4 février 2017).
[5] http://leandresz.com/archives/3724
[6] http://leandresz.com/archives/3715
[7] La « Gloire de Dieu » c’est l’humanité capable d’aimer comme lui. (Léandre Syrieix)
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