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Dans le cadre de mes dix jours d’« experiment[1] » à Montréal au Patro Le Prévost, j’ai eu l’opportunité de me joindre à l’équipe de la « popote roulante[2] » pour la fin d’une matinée. Je fus ainsi avec une dame (Marie) très sympathique et un monsieur très ouvert (Philippe) et avenant.
Ils m’ont expliqué le principe de l’activité et présenté les différentes personnes chez qui nous allions passer. J’ai été très agréablement surpris de la courtoisie de Philippe envers nos visiteurs. Il prenait le temps de leur parler, de me présenter, de présenter le menu, de prendre les nouvelles de ces personnes. J’ai vu dans les yeux de plusieurs des personnes visitées la joie de recevoir une brève compagnie. Certaines personnes n’ont pas hésité à nous le dire, à nous exprimer leur joie de nous voir, ainsi que leur solitude. Bien que nous ayons d’autres personnes à visiter avant midi pour la livraison des repas, Philippe prenait le temps nécessaire pour chacun.
J’ai rencontré cette matinée là la solitude chez des personnes, j’ai été témoins de l’impacte que cela peut avoir sur les personnes, plus particulièrement les personnes vulnérables. Ce ne fut pas une grosses découverte, car toute la société sait bien évidemment, que c’est un fléau présent. Mais le fait d’avoir vécu cette expérience m’a rappelé que nous sommes souvent indifférents face à des personnes qui en sont confrontées ou victimes.
D’après mes constats, la solitude est indissociable du contexte culturel. En effet, en Afrique où j’ai vécu quelques années, c’est un phénomène qui est moins fréquent, puisque les personnes vivent en groupe d’appartenance, le lien communautaire et familial est très fort. Ainsi, une personne âgée est automatiquement prise en charge par les siens, car c’est presque une obligation morale. Les personnes vulnérables sont entourées des leurs. Toutefois, on constatera quand même que dans un contexte de pauvreté, les jeunes personnes handicapées seront dans certains cas lésées, parce qu’ils représentent un poids. En Europe et en Amérique du Nord, le contexte culturel fait que les personnes à mobilités réduites sont mises pour la plus part dans des maisons ou des centres spécialisés. Car leurs proches, dans la majorité des cas, trouvent cela mieux adapté. Bien sûre il y a diverses nuances à apporter, mais cela demeure un phénomène plus fréquent Europe et en Amérique du Nord, contrairement à l’Afrique. N’ayant encore jamais été en Amérique du Sud, je ne saurai me prononcer sur la situation là bas.
La solitude au même rang que la pauvreté cause de nombreux ravages en occident. Cela conduit fréquemment au suicide, engendre le repliement sur soi et cause la dépression. L’être humain en proie à la solitude se trouve diminuée, oubliée, invisible, etc. Il n’y a rien d’aussi grave que ne pas exister aux yeux de la société. C’est en quelque sorte la perdre de dignité. Nous sommes pleinement humain quand nous existons aux yeux de la société, lorsque nous ne sommes point ignorés. Or la solitude plonge les personnes dans un contexte identique à celui des oubliés des camps de concentration à l’instar d’Auschwitz. L’analogie pourrait sembler excessive, mais je reste convaincu que les personnes qui font face à ce fléau vivent un sentiment d’inexistence. En effet, personne ne semble reconnaître leur situation de souffrance, surtout dans le contexte de l’occident où l’individualisme est très présent. Ce sentiment de non existence est quasi similaire à celui qu’exprimait Primo Levi dans son ouvrage Si c’est un Homme. Il y livre son sentiment face à l’indifférence de la société de son temps par rapport à l’ignominie qu’a été la Nazisme, l’enfermement aux camps de concentration, etc.
Nous ne pouvons donc pas nous permettre de rester muet et indifférent face à un tel désastre en occident. Nous devons nous rappeler que la dignité humaine est ce qu’il y a de plus précieux, et que nous avons en tant qu’humain la responsabilité de nos proches et de tous ceux qui nous entourent. Ceci est vrai en dedans comme en dehors des liens du sang. Car certaines personnes trouvent cela banale, et quelques fois on entend dire « à chacun ses affaires ! », pourtant nous savons pertinemment que certains liens sont plus fort que les liens du sang.
Je salue toutes les personnes bénévoles qui consacrent leur temps aux personnes en proie à la solitude, aux personnes oubliées. Je salue leur détermination à lutter contre ce fléau qui touche amplement nos populations. Ces bénévoles offrent leur temps pour redonner la joie et le goût de vivre à des victimes de ce fléau. Elles ont compris l’urgence et la gravité de la situation. Elles ont saisi que nous ne pouvons continuer à vivre dans la société actuelle dans l’indifférence de ceux qui nous sont proches. De nombreux organismes communautaires mettent également en place des actions diverses telles des activités sociales pour sortir les personnes de l’isolement. Mais ces actions seraient encore plus efficaces si tout le monde dans son milieu de vie prenait l’initiative de s’intéresser à l’autre, de s’ouvrir à l’autre, de dépasser la fameuse bulle[3] culturelle.
Dépassons nos individualismes, ouvrons nos portes et nos cœurs sans crainte, ouvrons nous à l’autre, allons à la rencontre des autres, osons pénétrer la bulle de l’autre pour le déranger et le sortir de son isolement. Écoutons la solitude des personnes, car,
Écouter, c’est, pendant un moment, disparaître. Si vous ne disparaissez pas, vous n’écoutez pas. Pour écouter, vous devez croire que l’autre existe plus que vous et qu’il peut vous apporter quelque chose…Quand l’homme écoute, il peut, pendant un moment surmonter son égoïsme qui l’enferme dans sa coquille : il s’ouvre avec confiance à autre chose que lui-même dans l’espoir de trouver un moyen de se transformer[4].
Surmontons ainsi nos égoïsmes à travers l’écoute de ceux qui sont victimes de la solitude. N’ayons pas peur de déranger et d’oser être baveux pour une bonne cause.
© Léandre Syrieix.
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