Un repas non mondain

[:fr]Photo : Padre LESYR.[:]

Ex 12, 1-8.11-14 – Ps 115 (116b) – 1 Co 11, 23-26 – Jn 13, 1-15

Jeudi Saint : Cène (C)

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Au cours d’un repas, il se passe bien de choses : confidences, réconciliation, trahisons, calomnies, partages, négociations, pourparlers… Voilà des orientations que prennent nos tables à chaque fois que nous nous rassemblons pour manger. Cela dépend donc de celles et de ceux qui y sont réunis, de leurs aspirations. Voilà dans quel contexte se situe également l’Eucharistie de l’Église, repas où les fidèles sont rassemblés au nom de leur foi en Jésus-Christ mort et ressuscité.

L’Eucharistie s’inscrit dans le mémorial de la Pâque juive. Il ne s’agit pas de n’importe quel mémorial, mais d’une fête pour le Seigneur, un pèlerinage. L’Eucharistie s’accomplit d’une certaine façon : « la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. » (Ex 12, 11) Cela nous rappelle que l’Eucharistie doit nous mettre en route comme le peuple d’Israël afin de vivre un passage. Qu’à chaque Eucharistie toute personne se demande : quel passage je suis appelé à vivre aujourd’hui dans ma vie ? Situer l’Eucharistie dans un mémorial, une fête pour le Seigneur, un pèlerinage une invitation à vivre un passage, nous oblige à nous décentrer de nous-mêmes et à réaliser que cela ne peut que nous ouvrir au monde ; que cela doit nous empêcher de manquer à la charité. En ce sens, le repas eucharistique ne peut être réduit à un repas mondain où l’on calomnie, où l’on refuse d’accueillir tout le monde, où l’on se replie sur nous-mêmes en de petits « clubs sélects », etc.

Saint Paul situe la place du prêtre à l’intérieur de ce mémorial, au cœur de l’Eucharistie : « J’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : […] » (1 Co 11, 23). Le prêtre agit donc dans une tradition, dans une transmission. Saint Thomas d’Aquin dira « en la personne du Christ ». Le prêtre reçoit par l’ordination ce qui vient du Seigneur, « le rendre présent dans le pain et le vin » avec toute son humanité, ses limites, ses faiblesses, ses joies et ses peines. Sans prêtre, il n’y a pas d’Eucharistie, et sans Eucharistie, il n’y a pas d’Église catholique. L’Eucharistie, à travers la personne du prêtre, constitue la spécificité de notre Église par rapport aux autres, notamment protestantes.

L’Église et l’Eucharistie ne peuvent être pensées autrement. Voilà pourquoi nous avons besoin de prêtres. Voilà pourquoi les chrétiens sont appelés à prier pour les vocations sacerdotales. Cela est essentiel pour la vie de l’Église parce que l’Eucharistie est également vitale pour elle. Renouvelons donc ce soir notre engagement à prier pour les vocations sacerdotales. Mais prions aussi pour nos prêtres, pauvres pécheurs, afin qu’ils ne faiblissent pas, qu’ils ne faillissent pas dans cette mission qui leur est confiée par l’Église au nom du Christ. Bien plus que prier pour nos prêtres, aimons-les également, pardonnons-les, soutenons-les de bien de manières ; car leur sainteté, leurs pastoralité et leur zèle apostolique dépendent beaucoup du peuple d’où ils sont tirés et vers qui ils sont envoyés. Le prêtre grandi, mature, se sanctifie au quotidien au milieu du peuple de Dieu. Disons du bien d’eux, corrigeons-les quand c’est nécessaire, fraternellement et avec charité, et non pas par médisance. Là où le prêtre souffre à cause de sa communauté, l’Église court un grand danger, car elle est exposée aux forces du mal. Là où le prêtre est supporté, aimé et encouragé, la communauté se construit, s’épanouit et l’Eucharistie fait rayonner la lumière du Christ au cœur du monde.

Finalement, le Christ nous rappelle que le prêtre, à sa suite, est au service de ses frères et sœurs. Sa vie et son ministère ne sont orientés que vers cela : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » (Jn 13, 15) Priez le Seigneur de garder les prêtres dans cette attitude de service total et désintéressé ; non pas tournés vers eux-mêmes, mais vers le peuple de Dieu, vers vous, pour qui ils ont été ordonnés.

L’Eucharistie n’est pas un repas mondain, mais un mémorial où les chrétiens, rassemblés à cause de leur foi en Jésus-Christ mort et ressuscité sont fortifiés. Ce repas fait la spécificité de l’Église catholique dans la mesure où elle est indissociable de la personne du prêtre qui, par son ministère, est ordonnée pour y rendre le Christ présent, mais également dans tous les autres sacrements. L’Église a besoin de prêtres dont le zèle apostolique et l’aptitude pastorale dépendent beaucoup du peuple de Dieu vers qui ils sont envoyés. Les communautés chrétiennes sont invitées à prier pour les vocations ; pour les prêtres ; à les aimer ; à les supporter ; à les pardonner ; à les relever, car cela est essentiel pour la vie de l’Église et le rayonnement du Christ au cœur d’un monde bouleversé par de nombreux maux.

© Ab. Léandre Syrieix.

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