L’Écologie au cœur du Salut : le Vendredi Saint[:]


Après s’être donné à l’humanité dans les fruits de la terre, espèces végétales[1] (pain et vin), fruits de son œuvre, Dieu, c’est-à-dire le Christ qui lui est « consubstantiel[2] » se rend au cœur de la nature, il « s’en alla avec ses disciples de l’autre côté du Kédrôn. Il y avait là un jardin, dans lequel il entra. » (Jn 18, 1) Les récits des Évangiles présentent souvent Jésus en prière, soit au cœur de la création dans la nature, ou au le Temple. Jésus entre en contact avec son Père dans la nature, cela nous indique que nous pouvons ainsi être en communion avec nous nous-mêmes et avec Dieu par ce même biais de la nature. S’il y a bien des personnes qui l’ont saisi, ce sont les ermites et toutes ces autres personnes qui à l’occasion marquent une pause pour se ressourcer au contact de la nature.

Le jardin où se rend Jésus est un lieu de silence absolu, un lieu où il peut être en harmonie avec la création, en dialogue avec son Père. Il aurait pu se laisser attraper par ceux qui cherchaient à le mettre à mort dans les places publiques où il se rendait et où il parlait ouvertement. Mais non ! C’est au cœur de la nature qu’il s’en va. Sa prière est interrompue, son harmonie avec la nature est rompue par l’arrivée de ses bourreaux. Il est saisi comme un briguant, et la nature en est témoin. Voilà que commence la lutte contre les forces du mal qui tient toute la création en esclavage.

Après un procès injuste, le Christ est frappé, sa chair est déchirée par les fouets, des violents coups de ses bourreaux. Il endure dans sa chair, dans cette matière qui est la nôtre toutes ces souffrances qui atteignent leur climax avec le poids de la croix. Cette croix fut sans doute faite d’un bois épais, solide, ferme et résistant. Il y est cloué, il y est attaché. Réalisons-nous ce qui se passe à cet instant ?

Sur le bois de la croix, sur le « Nouvel Arbre de Vie, » le mal qui tenait toute la création en captivité est cloué. C’est par la manducation du fruit de l’arbre du jardin d’Eden que Adam et Ève sont tombés dans le piège de l’ennemi. De leur cœur a surgi le « désir », le mal ; car ils voulaient ressembler à Dieu, être comme Dieu tel que l’ennemi le leur avait dit en les trompant : « “[…] vos yeux se dessilleront et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.” La femme vit que l’arbre était bon à manger, qu’il était agréable aux yeux, et qu’il était, cet arbre, désirable pour acquérir m’intelligence. » (Gn 3, 5-6)

Dieu a pris l’initiative de libérer toute la création du poids du mal en se faisant crucifier. Ce faisant, il a crucifié le mal qui nous tenait dans la mort éternelle, mais aussi la création. En clouant le mal sur le bois de la croix, Dieu y cloue également le mal qui asservit la nature par la main de l’humain. « Père, remets-leurs ; car ils ne savent ce qu’ils font. » (Lc 23, 34) Ainsi, le Christ demande pardon pour l’aplomb de l’humanité qui ose mettre son créateur à mort. Une autre lecture serait : le Christ demande pardon pour l’aplomb de l’humanité qui ose détruire la création à travers ses attitudes vis-à-vis de la nature. Cette parole de Dieu à Job pourrait aussi s’adresser à nous dans ce même contexte : « Où étais-tu quand je fondais la terre ? » (Jb 38, 4) cette même terre que tu détruis et pour laquelle tu n’as aucun respect. Le fruit de l’arbre de vie au jardin d’Eden était désirable, or celui de l’arbre du Golgotha, celui du bois de la croix, celui du « Nouvel Arbre de Vie, » c’est-à-dire le Christ n’est pas désirable, car il est défiguré, saignant de toute part. De même, la « création tout entière[3] » est défigurée, elle saigne de partout, car nous la clouons au quotidien avec nos agissements.

Pour que le sacrifice soit complet, après avoir fait participer les espèces végétales à l’œuvre de Salut, Dieu a voulu également la contribution des espèces animales. Quoi de mieux qu’un Agneau sans tache pour un sacrifice parfait ? Il a accepté le sang de son Fils, son propre sang, pour que la libération de la création tout entière de l’esclavage du péché soit effective : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. » (Jn 1, 29) En ce jour de Salut, toute la création fait pénitence, car l’humanité n’est pas seulement concernée. À Ninive, même les animaux ont fait pénitence : « Que ni homme, ni bête, ni gros, ni petit bétail ne goûtent quoi que ce soit ; que [les bêtes] ne paissent pas et ne boivent pas d’eau, qu’on se couvre de sacs, hommes et bêtes, qu’on crie vers Dieu. » (Jon 3, 7-8) Luc, quant à lui nous dit que : « Et c’était déjà environ la sixième heure, et l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure, le soleil s’étant éclipsé. Alors se fendit par le milieu le rideau du Sanctuaire. » (Lc 23, 44-45) Tout cela indique que toute la création est impliquée dans l’œuvre de salut.

Sur le bois de la croix, le « Nouvel Arbre de Vie, » le mal est cloué. Il s’agit de ce mal que subissent toutes les espèces vivantes de la création. Par ailleurs, Dieu ne nous sauve pas tout seul, car s’il le faisait, où vivrons-nous par la suite ? Dans quel milieu ? Le Salut concerne donc également la création. Manifestement, le sacrifice du Christ sur la croix vient rétablir l’équilibre originel, l’harmonie entre les forces de la nature. Le Royaume des cieux tel qu’annoncé par le Christ ayant déjà commencé, nous sommes pressés de construire ensemble ce monde à venir qui a déjà commencé, mais qui n’est pas encore là. À sa manifestation glorieuse, « le loup séjournera avec l’agneau […] le veau et le lionceau pâtureront ensemble, et un petit garçon les conduira […] on ne commettra plus le mal ni perversité sur toute la montagne sainte, car la connaissance de Yahvé remplira la terre comme les eaux recouvrent la mer. » (Is 11, 6-9) Les humains retrouveront donc une pleine harmonie entre eux, mais aussi avec la nature, avec toute la création. La clef se trouve au pied du « Nouvel Arbre de Vie, » c’est-à-dire au pied du bois de la croix où toute la création est rachetée, elle se trouve au sommet de cette montagne annoncée par Isaïe.

Le Triduum Pascal nous donne des pistes de réflexion pour l’Écologie humaine et l’Écologie globale, plus particulièrement le Vendredi Saint. De toute évidence, si nous prenons acte que le Salut ne concerne pas seulement l’humanité, mais toute la création, notre entrée avec le Christ dans sa passion en ce jour peut être transformée. Elle peut alors être vécue en solidarité avec tous nous frères et sœurs de toute la terre, avec l’ensemble de la création. Au pied de ma croix, du « Nouvel Arbre de Vie, » venons tel que nous sommes et accompagnés de nos semblables, non pas seuls, mais avec l’humanité et toute la création.

© Léandre Syrieix.

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[1] Pain (fait à bases de graines) et vin (fait à base de raisin).

[2] De même nature ou essence.

[3] L’humanité elle-même, la nature, les espèces végétales et animales, etc.

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