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Si on parcourt l’Écriture-Sainte, on remarquera que l’eau nous révèle la Miséricorde du Père, car dans la plupart des récits bibliques faisant allusion à l’eau, il y a un lien avec la figure aimante de Dieu, avec sa Miséricorde.
Dans le récit de la sortie d’Égypte (Ex 14) par exemple, les eaux se séparent et le peuple d’Israël traverse la mer rouge à pied sec. Or, dans la tradition hébraïque, la mer représente le lieu où résident des monstres marins, et on peut y voir un lien avec les forces du mal. Pourtant, c’est dans ce lieu que Dieu introduit le peuple d’Israël. Autrement dit, contre toute attente Dieu fait pénétrer son Peuple au cœur de sa Miséricorde, dans sa bienveillance. Il le fait emprunter le chemin de son Salut, celui de la terre promise.
Aussi, lorsqu’au désert le peuple d’Israël a soif et se plaint auprès de Moise, Dieu fait surgir du rocher, à Horeb, une source d’eau (Ex 17, 1-7ss). De fait, Dieu fait jaillir une source de Miséricorde et en s’y désaltérant, le peuple d’Israël goute à l’Amour infini même du Père.
Le lien entre la Miséricorde du Père et la symbolique de l’eau est également décelable dans le geste que pose le prophète Élie face aux prophètes de Baal : « … Puis il dit : remplissez d’eau quatre cruches, et versez-les sur l’holocauste et sur le bois. Il dit : Faites-le une seconde fois. Et ils le firent une seconde fois. Il dit : Faites-le une troisième fois. Et ils le firent une troisième fois. L’eau coula autour de l’autel, et l’on remplit aussi d’eau le fossé… » (1 R, 25-41) L’eau sert de combustible pour flamber les offrandes. De cette eau jaillit une source vive, le feu de Dieu, sa toute-puissance qui consumera tout l’holocauste. À travers ce récit, le Père est révélé comme le seul vrai Dieu qui ouvre une fois de plus le chemin du retour vers lui. N’est-ce pas là un geste de Miséricorde, signe de son Amour sans fin ?
Ne pouvons-nous pas dire que là où les récits bibliques mettent en jeu des personnages autour de la symbolique de l’eau, là est l’illustration de la bonté de Dieu, de son Amour, de sa Miséricorde ? Dans le Livre de Jonas, le narrateur nous indique que celui-ci tourne le dos au chemin du Seigneur. C’est pourtant en plein cœur de la mer en furie due à un vent violent (symbolique des milieux où résident les monstres comme évoqués précédemment) que va se manifester l’Amour du Père. Lorsque Jonas est jeté à l’eau, « le Seigneur envoya un grand poisson qui avala Jonas. » (Jon 2, 1) Autrement dit, le Seigneur s’est laissé remuer au plus profond de ses entrailles par la situation de Jonas. Au cœur de la mort, de l’obscurité des fonds marins, des eaux de la mer, Dieu retire sa créature et le fait revenir à la surface de la Terre, à la Vie terrestre.
Le récit de Tobit illustre aussi la symbolique de l’eau comme expression de la Miséricorde de Dieu envers l’humanité. Alors que Tobie se baigne dans le fleuve Tigre, il est agressé par un monstre marin, un gros poisson (Tob 6, 1-9). Cela ne surprend guère, puisque l’eau est ce milieu où résident les monstres. Le jeune homme s’y fait donc attaquer, mais il se défend et c’est de cette inaccoutumée créature que Dieu procurera à Tobie les moyens de guérir Sara sa future épouse et son Père Tobit. Dieu répond aux prières de Sara et Tobit en faisant jaillir des eaux le remède à leurs maux (dépossession du démon qui hante Sara et délivrance de la cécité de Tobit), en se dévoilant comme un Père aimant, plein de bienveillance, source de Miséricorde envers toute l’humanité.
Au Jourdain, Jésus se laisse baptiser par Jean, il se laisse plonger dans l’eau de la rivière, et c’est dans un tel geste que le Sacrement du Baptême trouve sa signification. Immergés dans les eaux du Baptême, nous devenons de créatures nouvelles puisque nous sommes plongés au cœur de la Miséricorde de Dieu qui, lui-même nous renouvelle, nous transforme et nous communique quelque chose de lui. Ainsi, dans chaque geste de transformation opéré par le Christ, le Père diffuse quelque chose de lui à l’humanité, mais révèle surtout sa Miséricorde.
Aux Noces de Cana, la Vierge Marie invite les serviteurs à faire tout ce que le Seigneur commandera. Elle leur montre ainsi le chemin qui mène à la source de la Miséricorde du Père, c’est-à-dire le Christ : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. » (Jn 14, 6) En transformant l’eau en vin, le Christ fait gouter aux convives des noces la saveur de la Miséricorde du Père qui se donne à « tous » sans exception.
Lorsque les récits évangéliques indiquent que Jésus est dans un contexte où est présent le lac, la mer, un cours d’eau, on remarque par la suite qu’il opère un miracle, soit pour faire un don à l’instar de la pêche miraculeuse (Lc 5, 1-11) soit pour manifester la Toute-puissance de Père sur le mal comme dans le récit de la tempête apaisée (Mc 4, 35-41). Par ailleurs, le Christ, en faisant surgir les poissons dans les filets à plusieurs reprises dans les récits évangéliques (Lc 5, 1-11 ; Jn 21, 1-24, etc.), manifeste le cœur plein de tendresse et de Miséricorde du Père capable de se laisser toucher par le besoin humain. Aussi, lorsque le Christ calme les eaux de la mer en colère (Mc 4, 35-41), il révèle la bienveillance du Père Miséricordieux.
Au puits de Jacob, lorsque le Jésus dit à la samaritaine « Donne-moi à boire » (Jn 4, 7), il l’invite à le désaltérer de l’Amour du Père en elle et non de l’eau au sens strict. À travers le dialogue qu’il engage avec la samaritaine, Jésus se révèle comme la source d’eau vive : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » (Jn 4, 10) Il est le visage d’Amour du Père, le reflet de la source intarissable de Miséricorde qui coule du cœur du Père et où quiconque « [se désaltère] boit de l’eau [s’abreuve de la Miséricorde divine] n’aura plus jamais soif ; et [l’Amour] l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source [de Miséricorde] d’eau jaillissant pour la vie éternelle. » (Jn 4, 14)
Jésus, le Maître, se met à genoux devant les disciples pour leur laver les pieds. Un tel geste met en lumière Dieu qui se rabaisse devant l’humanité afin qu’il fasse l’expérience de sa Miséricorde. Après avoir posé ce geste, il leur dit : « … vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » (Jn 13, 14) Autrement dit, « vous aussi, vous devez faire preuve de Miséricorde les uns aux autres. » Le Christ opère de fait un déplacement dans la mesure où ce n’est plus seulement lui qui fait Miséricorde, mais il nous invite à poser ce même geste au quotidien les uns pour les autres. Et c’est même à cela que l’on nous reconnaitra comme ses disciples (Jn 13, 35).
Sur la Croix, le cri ultime du Christ « J’ai soif » (Jn 19, 28) révèle que le Fils-Dieu veut de l’eau, il veut se désaltérer, être abreuvé par l’humanité. Or, étant donné que l’eau est le symbole de la Miséricorde divine comme nous l’avons indiqué, alors le Christ a soif de notre Miséricorde, il désire notre cœur capable de se laisser toucher par sa propre misère. Réalisons-nous ce qui s’opère là ? Dieu désire la Miséricorde humaine, il a besoin que le cœur humain soit capable de compassion et d’Amour inconditionnel. Comment répond l’humanité à ce cri ? N’est-ce pas en lui donnant du vinaigre ? (Jn 19, 29), ou encore, n’est-ce pas en l’écœurant davantage par sa dureté du cœur ?
Le Christ pose néanmoins un geste ultime en réponse à la cruauté humaine. En effet, lorsque le soldat lui transperce le côté, il y sort du sang puis de l’eau (Jn 19, 34). Alors, malgré tout, le Christ fait jaillir depuis la Croix, de son cœur ouvert une source d’eau vive, une source de Miséricorde comme à Horeb durant la traversée du désert. N’est-ce pas là un cœur capable d’aimer à la folie et à l’infini ? N’est-ce pas l’image d’un Dieu fou d’Amour pour l’humanité ? N’est-ce pas un Dieu amnésique devant le péché humain ? Sa réponse à la cruauté humaine n’est rien d’autre que l’Amour, sa Miséricorde.
L’eau nous révèle donc la Miséricorde du Père, son Amour intarissable, car c’est le signe de sa compassion et de sa proximité pour l’humanité. Chaque fois que dans l’histoire de l’humanité il est fait allusion à de l’eau, cela est en lien avec la Miséricorde de Dieu, avec son Amour.
© Léandre Syrieix.
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