Les exilés d’ici et d’ailleurs : quel retour possible ?

[:fr]Photo : Cathopic.com[:]

2 Ch 36, 14-16.19-23 – Ps 136 (137) – Ep 2, 4-10 – Jn 3, 14-21

4e dimanche du Carême (B)

Outre les personnes ayant délibérément embarqué dans des programmes d’« immigration choisie », une grande majorité d’« étrangers » se retrouve ici et ailleurs à la suite d’un exil, c’est-à-dire d’une déportation ou encore d’une expulsion de leur milieu avec interdiction formelle d’y retourner. La réalité de ces personnes semble banalisée ou instrumentalisée lors de campagnes électorales ou encore avec l’avancée fulgurante et récente de nombreux mouvements nationalistes comme on n’a pas vu dans les dernières décennies. Cette réalité d’exil actuel n’est pas nouvelle, car l’Écriture y revient à maintes reprises et propose une réponse.

Les actions humaines ont souvent des conséquences graves, surtout sur certaines victimes innocentes comme on peut le voir avec des guerres à travers le monde. L’exil est en ce sens présenté dans le second livre des Chroniques comme une conséquence directe des actions humaines : infidélité à l’égard du Seigneur qui est un Dieu jaloux (Ex 20, 5) ; profanation du Temple sacré du Seigneur ; mépris de ses prophètes ou de ses envoyés (2 Ch 36, 14). Autrement dit, lorsque l’humanité rejette le Seigneur, l’unique Dieu en s’alliant à d’autres dieux, elle choisit délibérément de ne plus se placer sous la protection de Yahvé, le Tout-Puissant. Ainsi, le Diabolos, le diviseur, l’ennemi prend toute la place et agit de manière stratégique en déportant les forces vives d’un peuple ou d’une nation pour affaiblir son énergie, sa cohésion et le coloniser.

En faisant des analogies avec notre contexte actuel, l’on constate que le rejet de Dieu à travers toutes les formes de croyances contemporaines ou non-croyances ; la profanation des « Temples de pierres » ainsi que des « Temples vivants » sous toutes leurs formes telle l’atteinte à la sacralité de la vie ou à la dignité humaine ; conduisent à de lourdes conséquences, à de nombreuses formes d’exil. Parmi celles-ci, on relève notamment la crise des migrants où de nombreuses personnes sont forcées de quitter leurs nations pour se réfugier ailleurs ; l’exil économique due aux jeux politiques et aux guerres de pouvoir entre États ; l’exil de nombreux aînés en résidences spécialisés et souvent dans des conditions de précarité frôlant l’exclusion comme nous l’a démontré la pandémie de la Covid-19 ici et ailleurs ; l’exil de plusieurs personnes dans des prisons, en internement, etc.

Quel retour d’exil possible ? Contre l’horreur de l’exil, Saint Paul propose l’Espérance chrétienne. De fait, il nous indique que cela est possible grâce à l’amour de Dieu, à sa grande miséricorde (Ep 2, 4). Manifestement, le Seigneur fait miséricorde à quiconque retourne à lui : voilà une parole d’Espérance. Ainsi, devant les atrocités de nos agissements conduisant de nombreux frères et sœurs en exil ; devant tant de souffrance et d’injustice humaines ; devant l’exil de la maladie ou de la vieillesse vécue dans l’isolement et la douleur ; saint Paul nous rappelle qu’il y a une issue : le salut par la grâce (Ep 2, 8). Nous n’avons aucun mérite, car notre rachat, notre retour de l’exil terrestre, de toutes les formes de souffrances qui oppressent l’être humain en cette vie, est dorénavant possible grâce à la richesse de Dieu en miséricorde.

La fin de l’exil profonde qui assèche l’âme humaine, qui écrase de nombreux frères et sœurs physiquement, psychologiquement et spirituellement est possible pour quiconque ose élever les yeux vers la lumière, vers le crucifié, vers la croix. Cet objet qui scandalise tant de personnes autour de nous, tant de non-croyants ou de non chrétiens. Pourtant, la croix est la source même de l’Espérance chrétienne, car c’est d’elle que jaillit la vie, c’est par elle que le Christ procure la vie éternelle (Jn 3, 15) à quiconque croit en lui, en sa mort et résurrection. L’expérience de la souffrance humaine dans toutes ses expressions est insupportable sans Espérance. Ainsi, au cœur de la sècheresse, c’est l’Espérance qui fait avancer. Tout comme le débourrement des bourgeons et la feuillaison annoncent un printemps nouveau ainsi que la fin de l’hiver, la croix annonce l’Espérance en la résurrection et la joie de Pâques. La croix est le signe même de l’amour de Dieu parce que c’est la porte qui mène à Lui ; c’est le moyen qu’il emploie pour nous libérer de tout ce qui nous oppresse, nous méprise, nous exclue, nous exile, nous éloigne de l’amour de Dieu.

La croix scandalise beaucoup de nos contemporains parce qu’elle est réduite à un objet de souffrance, à la douleur. Pourtant, la croix chrétienne portée ou assumée avec amour, à la manière de Christ, nous plonge déjà dans la joie et l’Espérance, car elle laisse entrevoir la résurrection promise par le Seigneur. À l’inverse, la croix païenne se limite à la douleur et à la mort comprise comme la fin de tout. Or nous, nous attendons dans l’Espérance chrétienne la lumière, c’est-à-dire le Christ ressuscité pour nous faire passer de toutes les formes d’exil matériel et spirituel vers la Jérusalem céleste.

© Ab. Léandre Syrieix.


Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire