Le mystique le plus étonnant du XXe siècle.
Tous ceux qui connaissent un peu la vie du curé d’Ars n’hésitent pas à constater que Padre Pio a beaucoup de choses en commun avec ce fameux curé qui est le patron de tous les prêtres. Tous deux étaient des confesseurs recherchés. Tous deux étaient de grands priants et de grands ascètes. Tous deux furent ennuyés de façon spectaculaire par des forces diaboliques, si incroyable que cela puisse nous paraître aujourd’hui.
Un chose distingue surtout saint Padre Pio de saint Jean-Marie Vianney*, le curé d’Ars. Ce sont les stigmates de Padre Pio. Savez-vous en effet que saint Padre Pio est le seul prêtre qui ait reçu sur son corps les marques de la crucifixion du Christ? C’était des plaies qui le faisaient grandement souffrir. Je l’ai vu plusieurs fois se rendre à l’autel de peine et de misère tant ses plaies aux pieds le tourmentaient. Son Père, saint François d’Assise, a reçu les stigmates, mais il n’était pas prêtre.
Quant au curé d’Ars, il ne les avait pas. Mais ces deux prêtres, Padre Pio et le curé d’Ars, se ressemblent beaucoup. Ils ont d’abord tous les deux été rivés à leur confessionnal, ne le quittant guère que pour célébrer la messe avec une foi et une piété étonnantes. Tous deux ont été d’autre part grandement persécutés. Tous deux ont été terriblement humiliés, critiqués, calomniés. Et tous les deux ont vu par contre les foules accourir vers eux au point que leur réputation de confesseur s’est répandue dans une grande partie du monde. Tous deux furent reconnus par les foules comme des saints, ce qui leur était une croix extrêmement lourde à porter.
Pour me confesser au Padre Pio en 1950, j’ai dû m’inscrire sur une liste et attendre trois jours. Or il y avait dans ce temps-là beaucoup moins de monde qu’aujourd’hui à se rendre à San Giovanni Rotondo, ce petit village de rien du tout. La principale raison qui empêchait beaucoup de bons catholiques de s’y rendre était une terrible rumeur. On répétait un peu partout, surtout à Rome, que ce capucin n’était qu’un fumiste.
Officiellement, le Vatican était en effet contre lui au point de l’avoir réduit au silence… À preuve, l’éminent cardinal Merry del Val l’avait condamné. Il faut dire que son propre évêque, appuyé par d’importants membres du clergé local, portait contre le Père Pio des accusations qui étaient abominablement fausses. Padre Pio en a beaucoup souffert. Quand à Rome, j’ai annoncé à Dom Jean Vidal, bénédictin québécois en études à l’abbaye Saint-Anselme, que je partais pour voir le Père Pio, il s’y objecta fermement, étant très fidèle à tout ce qui venait du Vatican. Mais ce que j’avais lu me faisait grandement douter de ses recommandations et mises en garde. Je ne l’ai pas regretté. Ce dont j’ai été témoin une fois rendu à San Giovanni m’a marqué pour la vie.
Si ses stigmates lui faisaient perdre beaucoup de sang et le faisaient beaucoup souffrir, un phénomène rare rendait parfois, d’autre part, sa poitrine tellement brûlante qu’il a confié à son confesseur: « Je suis plongé dans un Océan de feu !». Il a été très persécuté à cause de ses stigmates que l’on croyait être des automutilations. En fait, il fut plus persécuté que tous les autres stigmatisés connus. Ses détracteurs sont allés jusqu’à installer des enregistreuses dans son confessionnal pour vérifier ce qu’il disait à ses pénitentes, cela en dépit de l’important secret de la confession. Enfin, comme le curé d’Ars, il y a été ennuyé, si incroyable que ce soit, par nul autre que le diable. On dira que ce n’est pas possible. Pourtant, je vous assure, ça semble être tout à fait authentique selon ses nombreux biographes les plus sérieux qui ont reçu les témoignages des confrères capucins qui en ont été souvent témoins.
Avant mon passage en 1950 à San Giovanni Rotondo, dans le sud de l’Italie, Padre Pio avait quand même ses défenseurs depuis plus de trente ans. Il y avait beaucoup de gens qui le défendaient, et même qui l’admiraient. J’ai d’ailleurs été reçu à loger chez une Américaine cultivée et tout à fait normale qui s’était fait construire une petite maison pour y vivre auprès de celui qu’elle considérait comme un saint. Elle n’était pas la seule. Ce petit village commençait à s’agrandir. J’y ai rencontré plusieurs personnes venues de divers pays qui s’étaient convertis solidement grâce aux phénomènes dont ils avaient été témoins, et qui avaient décidé de vivre en Italie auprès de ce saint extraordinaire. Ils assistaient chaque jour à sa très longue messe, à cinq heures. Ils étaient évidemment fascinés par ses stigmates, mais aussi par son évidente sincérité. Ils avaient compris qu’en dépit des persécutions, ce prêtre stigmatisé était l’homme le plus extraordinaire du XXe siècle. Le merveilleux et les événements les plus étonnants abondaient dans la vie de cet homme extrêmement simple et pauvre. Tout d’abord, parlons de ses stigmates.
Ces fameux stigmates sont apparus d’une curieuse façon alors qu’il était en repos chez ses parents, à Pietrelcina. Il avait 28 ans. C’était la fête des stigmates de saint François*, le premier stigmatisé connu, le 17 septembre 1915. Padre Pio de Petrelcina (c’était son nom de capucin) reçoit les stigmates mais ils sont invisibles. C’est trois ans plus tard, en 1918, que les stigmates sont devenus visibles. Ça le gêne beaucoup. Il essaye de cacher ses mains. Il en parle bientôt à son confesseur. La nouvelle se répand partout et les foules commencent à accourir et à laisser des graffitis comme celui-ci: «…Venu en curieux, je repars croyant…».
Mais qui est au juste ce Padre Pio*? Son nom de baptême était François, Francesco. Il est né le 25 mai 1887 dans une famille de paysans pauvres. Il pleuvait et la chambre de sa mère était minuscule, trois mètres sur trois, sans fenêtre. C’était remplacé par six trous percés dans le mur. Son père est un homme très simple. Sa mère, très pratiquante, travaille continuellement. Ils ne savent même pas lire. Le petit Francesco est très fragile et il pleure continuellement. Son père en devient à moitié fou et menace un jour de le jeter dehors par la fenêtre tant il est exaspéré.
Quand Francesco est en âge d’aller à l’école, sa mère a une idée très originale. Elle décide d’envoyer son fils étudier le latin pour qu’il puisse comprendre les prières à l’église lors des messes, des vêpres du dimanche suivies du salut du Saint-Sacrement. Il a seulement sept ans et il étudie auprès d’un prêtre défroqué qui vit avec une de ses pénitentes. Mais Francesco n’a pas tellement le goût d’étudier. Il aime mieux servir la messe. De toute façon, le prêtre trouve que Francesco n’est pas bien brillant. Et il le fait remarquer à sa mère. Quand sa mère rapporte à son fils la remarque du prêtre défroqué, Francesco répond que sa tête a peut-être de la misère à apprendre, mais que sa tête à lui, le défroqué, ne vaut rien… et il ajoute: «Il vit dans le péché». Heureusement, Francesco deviendra avec le temps plus compréhensif, surtout quand il deviendra le confesseur le plus connu au monde. Il décide quand même d’aller à l’école où on le traite d’imbécile-qui-ne-comprend-rien-à-rien. Il mange peu. Cela me rappelle mon fils adoptif, qui n’avait pas terminé à 18 ans sa troisième année à l’école primaire. Il lui arrivait de revenir de son pénible travail dans une usine effroyable, épuisé et tourmenté par des remarques désobligeantes. Il me confiait en gémissant: «Papa, je veux mourir, je veux mourir!». Mais Francesco, comme mon fils d’ailleurs, était somme toute toujours joyeux. Très jeune, le futur Padre Pio, déjà brûlant de l’Esprit Saint*, désirait aussi mourir, mais c’était le désir de mourir au monde en entrant dans l’ordre le plus rigoureux qui soit, celui des capucins.
Le futur Padre Pio entre finalement chez les capucins en janvier 1903. Il a 15 ans. Il est très apprécié. Mais la vie de novice capucin est terrible. Padre Pio considérait que c’était un régime à devenir fou! L’abbé Pierre qui a aussi vécu cela (il a été capucin lui aussi) ne se gêne pas pour dire que c’était effroyable. Padre Pio, malgré certaines difficultés dans ses études, est ordonné prêtre à 23 ans le 10 août 1910. Mais bientôt, en 1914, la guerre éclate et notre jeune prêtre capucin est mobilisé. Il verra alors les soldats se conduire souvent comme des bêtes. Mais au lieu d’en être scandalisé et de les mépriser, il comprend rapidement que ce qu’il faut faire, c’est de les aimer. Il se rappelle les mots de Jésus en Croix : «Père, pardonne-leur, car ils ne savent vraiment pas ce qu’ils font». Il tombe assez rapidement malade et est libéré de l’armée. Il est renvoyé chez lui. C’est alors que les stigmates qu’il a reçus de façon invisible un mois après son ordination en 1910 deviennent petit à petit très apparants. Les douleurs qu’il ressent sont de plus en plus grandes. Il écrit à son confesseur : «Les douleurs fortes et pénétrantes au thorax me martyrisent le plus… Il me semble que mon dos et ma poitrine se rompent… Je me vois plongé dans un océan de feu; la plaie qui s’est rouverte saigne toujours. Elle suffirait à elle seule à me faire mourir plus de mille fois. Ô mon Dieu, pourquoi donc que je n’arrive pas à mourir? La souffrance est si grande, Seigneur, que ça me rend parfois de bien mauvaise humeur…».
Quand son cœur est blessé par le stigmate au côté droit, il écrit à son confesseur : «… J’étais à l’église lorsque tout à coup, j’ai senti mon cœur qui était blessé par un dard de feu… Je ne trouve pas les mots pour vous faire comprendre l’intensité de cette flamme… Il me semblait qu’une force invisible me poussait vers ce feu… J’ai éprouvé beaucoup de ces transports d’amour et je suis resté comme hors de ce monde assez longtemps…» C’est alors que Padre Pio éprouve une sorte d’ivresse pour ainsi dire inconnue. Il écrit : «L’âme sentit tout d’abord Sa Présence, sans pouvoir Le voir; et ensuite Il s’approcha si près de l’âme qu’elle sentit parfaitement Son toucher. Ah! Mon Père. Quel volcan je sens en moi!» Il se rend alors compte qu’il a une plaie profonde au côté droit.
C’est là que l’on voit que la souffrance de la Passion inscrite chez les stigmatisés doit nous rappeler qu’elle est le fruit de l’Amour. Ses plaies d’ailleurs dégagent un parfum. Un des premiers à s’en être aperçu est le docteur Romanelli qui croit d’abord à un cadeau fait au Père Pio par une femme entreprenante et il en est plutôt offusqué. Mais le Père Valenciano lui dit : «Mais non docteur. C’est le sang du Padre Pio». Par après, le Père Pio ne se nourrissait que de l’Eucharistie. Comme Marthe Robin* à la même époque, à Châteauneuf-de-Gallaure.
Les stigmates du Père Pio furent examinés à fond par des médecins et des scientifiques. Ils examinèrent ses mains et ses pieds ainsi que son côté droit. Aucune explication naturelle n’a pu expliquer ces blessures mystérieuses, ni leur apparition, ni leur présence constante de 1918 jusqu’en 1968, quelques mois avant sa mort. C’est alors que, dès le mois de juillet 1968, elles disparurent progressivement jusqu’au moment de sa mort. Le stigmate de la main gauche disparut le dernier à 2h30 durant la nuit du 23 septembre sans laisser de traces. C’est donc durant cinquante ans, de 1918 à 1968 que ces plaies ont saigné constamment, sans que le Père Pio ait été vu mangeant suffisamment pour perdre quotidiennement autant de sang. Ce n’est là qu’un des nombreux phénomènes étonnants et incompréhensibles de la vie de ce capucin italien.
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