Préférer l’humiliation

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Is 50, 4-7 – Ps 21 (22) – Ph 2, 6-11 – Mc 11, 1-10

 Dimanche des Rameaux (B)

Être humilié n’est pas une expérience agréable ni souhaitable. L’humiliation peut être destructrice dans la mesure où l’on s’en sert consciemment ou inconsciemment pour blesser les autres ou montrer sa supériorité. En ce sens, c’est l’expression d’une profonde souffrance ou encore d’un mal enraciné dans le cœur des personnes qui en font un usage envers les autres. Paradoxalement, l’humiliation peut être une source de vie, un chemin de libération lorsqu’elle est choisie.

Chaque année, les chrétiens s’entrainent spirituellement durant quarante jours avant de faire mémoire de leur histoire de salut à travers les célébrations de la Grande Semaine Sainte qui commencent avec le Dimanche des Rameaux évoquant l’entrée de Jésus à Jérusalem. Curieusement, le Christ entre triomphalement dans sa Passion. Pourquoi ? Dans quel but ? Pour nous montrer que l’humiliation est un chemin pour gagner la vie éternelle. En effet, la foule s’est hâtée avec des rameaux d’olivier, des palmes, des vêtements, etc., pour acclamer le Seigneur et Lui faire révérence (Mc 11, 8) parce qu’elle avoyait en Lui le Messie, le Sauveur, le « Libérateur ». Curieusement, c’est toujours la foule (la même ?) qui criera plus tard « crucifie-le ! » (Mc 15, 3) parce qu’elle n’a pas compris ce que nous avons la grâce de saisir aujourd’hui. Elle n’a guère perçu ce que nous voyons aujourd’hui. Alors, contrairement à cette foule, nous pouvons aujourd’hui, aller au-devant du Seigneur non plus avec des palmes et des rameaux d’olivier, mais simplement avec notre personne pour nous abaisser, pour lui faire révérence.

L’humiliation comme voie de salut est possible à travers l’apprentissage du langage des disciples du Seigneur. Le prophète Isaïe met de l’avant cette notion de langage non pas uniquement comme des paroles, mais aussi comme une attitude (Is 50, 4-6) : soutenir les personnes épuisées (autrement dit ceux et celles qui souffrent) par une parole d’encouragement ou de vie ; écouter la Parole de Seigneur afin de faire sa volonté en la mettant en pratique ; ne pas reculer devant les humiliations (violence sous toutes ses formes, crachats, etc.), mais maintenir la relation. Voilà une attitude que nous, chrétiennes et chrétiens, avons besoin de cultiver en permanence face aux persécutions de l’Église, au rejet de la foi chrétienne, à l’humiliation du Nom de Jésus. Voilà quelques aspects de l’humiliation que nous sommes appelés à préférer au quotidien, dans toutes les sphères de nos vies avec la forte conviction que nous ne serons pas confondus, que le Seigneur sera toujours à notre secours (Is 50, 7). Le Christ est ce modèle d’humiliation à préférer.

C’est ce que nous indique saint Paul à travers l’Hymne christologique aux Philippiens (Ph 2, 6-11). En effet, le Christ a osé quitter son rang divin pour prendre notre rang ou condition humaine. Il s’est en quelque sorte humilié en nous montrant que pour être crédibles aux yeux du monde actuel, nous devons quitter nos rangs sociaux pour épouser ceux des autres ; nous devons quitter nos acquis ou nos conforts pour nous installer dans les inconforts de nos frères et sœurs. Le Christ a pris la condition de serviteur, forme d’humiliation pour un roi afin que nous puissions, comme Lui, nous mettre à genoux devant le monde pour le servir. Le Christ s’est abaissé, il s’est humilié en acceptant le supplice de la croix afin que nous puissions être solidaires en paroles et en actes avec les marginalisés de nos sociétés ; afin que nous puissions porter la croix que représente dans bien de sociétés actuelles le « Nom de chrétien ».

L’humiliation à préférer n’est pas celle qui opprime l’humain, ce n’est pas celle qui abaisse l’autre, mais plutôt celle qui le relève, qui l’exalte en glorifiant le Seigneur. Voilà l’aboutissement de l’anéantissement, de l’humilité chrétienne : Glorifier Dieu, proclamer Jésus-Christ comme Seigneur à la gloire de Dieu le Père (Ph 2, 11). Toute personne qui est « en Christ », c’est-à-dire baptisée est appelée à suivre le Christ en aimant le monde par la voix de l’humiliation ou de l’abaissement. Car le Christ a partagé notre condition humaine (Ph 2, 7) pour nous relever afin que nous fassions de même pour nos frères et sœurs. Il nous a montré que l’humiliation jusqu’à la croix est l’unique chemin vers la résurrection, la vie éternelle. Il nous veut à ses côtés, près du Père, car c’est notre vocation chrétienne : être avec Dieu, retourner dans le sein du Père.

Alors que s’achève le carême, que chacun fasse le bilan : comment était-ce au début, et comment est-ce à présent ? Nous sommes-nous bien armés, avons-nous bien combattu, avons-nous gagné, sommes-nous tombés ? Que cette entrée dans la Grande Semaine Sainte par la célébration du dimanche des Rameaux nous fasse marcher à la suite du Christ ; qu’elle nous procure le courage et l’audace de préférer l’humiliation entendue comme l’abaissement par l’humilité du cœur et la droiture de l’esprit ; qu’elle nous introduise au cœur même de notre histoire de salut opéré par le Christ qui, à sa suite, nous invite, à l’égard de du monde, à « aimer jusqu’au bout ».

© Ab. Léandre Syrieix.


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