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Jr 31, 31-34 – Ps 50 (51) – He 5, 7-9 – Jn 12, 20-33
5e dimanche du Carême (B)
Dieu est souvent présenté par certains comme une idée abstraite ou encore comme une invention purement humaine. Pouvons-nous alors légitimement poser les questions : Qui est Dieu ? Qu’est-ce que Dieu ? Comment est Dieu ? S’il est vrai que nous sommes créés à l’image de Dieu et selon sa ressemblance, alors Dieu n’aurait-il donc pas des attributs humains ? N’aurait-il pas un cœur ? Et si on laissait Dieu nous parler de Lui-même ?
Toute l’Écriture nous présente diverses manières dont Dieu nous parle de Lui. Dans le livre du prophète Jérémie, Dieu conclut une « Nouvelle Alliance » (Jr 31, 31) avec son peuple. Autrement dit, il établit une relation. Par le passé, l’alliance était extérieure et symbolisée par la Loi (les dix commandements), c’est-à-dire une forme de contrat ou d’engagement écrit. Mais, dans le cas présent, il ne s’agit plus d’une Loi entendue comme des préceptes ou règles à mémoriser et à réciter, mais d’une intuition du cœur. Il y a donc un passage de la tête au cœur ; du « Faire » à l’« Être ». Cet extrait nous révèle donc Comment est Dieu. Il est un Être de cœur (Jr 31, 33) dont la relation avec l’humanité est remplie d’amour. Il se présente comme la miséricorde infinie dans la mesure où il pardonne et ne se souvient plus (Jr 31, 34).
Et nous ? Ne sommes-nous pas dotés de cœur ? Ne sommes-nous pas des êtres de cœurs créés à l’image de Dieu ? De toute évidence, le psalmiste se présente comme tel et veut ressembler à Dieu : crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu (Ps 50, 12). N’est-ce pas là une invitation qui nous est lancée individuellement puis collectivement à renouveler nos cœurs en appelant sur nous la miséricorde de Dieu ? Il s’agit pour nous d’oser toucher le cœur de Dieu. Mais comment ?
Saint Paul nous indique que le Christ nous a montré comment toucher le cœur de Dieu. D’une part, par des cris et des larmes. D’autre part, par un grand respect (He 5, 7). L’on retrouve chez saint Jean une autre manière de toucher le cœur de Dieu selon le Christ : le suivre, le servir (Jn 12, 26). Mais comment ? De fait, le Christ affirme : « Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera » (Jn 12, 26). Voilà une manière de toucher le cœur de Dieu, non plus uniquement des lèvres, mais en actes et en vérité. Une autre question se pose alors, comment servir le Christ en vue de toucher le cœur de Dieu ? En glorifiant le Nom de Dieu par le don de sa vie, à votre manière et selon votre vocation propre.
Le Christ l’a fait en perdant sa vie au sens propre. Les martyrs l’ont fait en suivant l’exemple du Christ, c’est-à-dire en perdant leur vie au sens propre. Et nous ? Comment perdons-nous nos vies ? Lorsque cela se présente, c’est également possible au sens propre à la manière du Christ ; mais plus encore au sens figuré tous les jours. Car Dieu ne veut pas le sacrifice humain (Os 6, 6) dans la mesure où celui de son Fils fut l’unique pour notre salut (He 10, 10-14). Donner sa vie en vue de glorifier le Nom de Dieu consiste à être fécond ; à porter du fruit (Jn 12, 24). C’est s’oublier ; c’est se décentrer de soi ; c’est consentir à s’ouvrir à la vie éternelle (Jn 12, 26) ; c’est renoncer à tout ce qui déshumanise ; c’est ne pas regarder en arrière, mais se tourner vers l’avenir ; c’est haïr la vie éphémère et aimer la vie de Dieu, la vie en Dieu ici-bas afin de vivre éternellement avec Lui. C’est ne plus vivre à son propre compte, mais comme saint Paul, arriver à affirmer : « Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20). C’est laisser toute la place à l’Autre ; c’est accepter que le Père et le Fils fassent de nous leur demeure, le Temple de l’Esprit-Saint. Toucher le cœur de Dieu revient donc concrètement à donner sa vie en vue de glorifier le Nom de Dieu en vivant la vie présente de manière transfigurée, c’est-à-dire dans la foi en Jésus-Christ ; en vivant selon la vision de Dieu et non pas celle du monde ; en aimant et en ne vivant que de Lui.
Dieu est un être de cœur qui se révèle comme tel à l’humanité créée à son image. Son amour pour nous est sans borne, car « nos fautes sont comme des grains de sable à côté de la grande montagne de miséricorde de Dieu[1]. » Notre vocation chrétienne est de le ressembler chaque jour un peu plus en criant vers lui, en versant des larmes de conversion, par un grand respect ; en servant le Christ en vue de glorifier son nom par le don de nos vies au quotidien, c’est-à-dire en mourant en de petites choses (Jn 12, 25) pour le laisser prendre toute la place afin que, comme lui, nous soyons capables de laisser nos cœurs humains être touchés à leur tour par les cris et les larmes de nos semblables.
© Ab. Léandre Syrieix.
[1] Bernard Nodet, Jean-Marie Vianney Curé d’Ars. Sa pensée – Son coeur, Paris, Cerf, 2006, p. 133.
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