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Cette question posée à Caïen au sujet de son frère Abel (Gn 4, 9) s’adresse à chacun de nous aujourd’hui : Où est ton frère ? Où est ta sœur ? Car le récit du livre des origines, la Genèse, nous rappelle la responsabilité que nous avons les uns envers les autres. Ce récit nous rappelle la Fraternité humaine à laquelle nous sommes invités à vivre au quotidien dans nos relations.
L’être humain ne vient pas seul au monde, il vient parmi ses semblables, son développement se produit au sein de la famille humaine où il apprend à se réaliser lui-même, à s’identifier aux autres, à toutes les personnes qui marquent les premiers développements de sa vie, ainsi que tous les autres cycles suivants de sa vie. Ainsi, il apprend dès ses premiers instants de vie à vivre la Fraternité humaine.
Jetant un regard sur nos structures familiales et sociales, nous pouvons constater que les multiples systèmes mis en place concourent au départ, à plus de solidarité et de Fraternité. C’est par exemple le cas de divers systèmes d’aides sociales, de mutuelles de santé publique, de fonds de pensions ou de solidarités à multiples vocations, etc., que l’on retrouve dans plusieurs pays.
Cependant, il est triste de constater aujourd’hui que de plus en plus nous tendons à privilégier l’individualisme au détriment de la solidarité. Nous perdons tous sens de l’altruisme, et dans la quête personnelle illimitée du pouvoir et des biens matériels, le Frère et la Sœur deviennent des ennemis, des obstacles à nos réalisation, « l’Homme devient un loup pour l’Homme » pour reprendre l’expression de Thomas Hobbes. Même les États qui au départ ont pour vocation de protéger les populations se désintéressent davantage des situations difficiles et d’horreurs dans lesquelles vivent leurs concitoyens. La solidarité entre les États est plus teintée par la recherche du profit et des intérêts. Nous ne sommes donc pas surpris de constater aujourd’hui que de nombreux peuples sont livrés à eux-mêmes, abandonés par la communauté internationale à l’instar de la Syrie, du Mali, du Zimbabwe, de la Lybie, etc.
La terre crie la douleur de ses enfants, elle souffre d’une hémorragie, d’une plaie profonde qui ne demande qu’à être cicatrisée par plus de Fraternité et d’Amour entre les peuples. Le sang de nombreux enfants, femmes, jeunes, aînés, etc., est versé chaque jour, aux vues et aux sus de tous. Mais nous restons tous silencieux, ceux et celles qui osent se lever sont malheureusement réduit au silence, car certaines personnes ne veulent pas être dérangées, ni prendre leurs responsabilités. Elles ne veulent pas se laisser interpeller par la question adressée à Caïen : Où est ton frère ? Où est ta sœur ? Nombreuses sont les personnes qui meurent de faim tous les jours dans le monde tandis que d’autres gaspillent la nourriture ou ferment leur porte à celui ou celle qui quémande. Nombreuses sont les personnes qui risquent leur vie en mer pour un avenir meilleur et s’échouent aux larges des côtes Européennes, Australiennes, etc., dans l’indifférence de tous et de toutes. Nombreuses sont les personnes qui sont traitées comme des animaux parce qu’elles tentent d’entrer « illégalement » dans des territoires où elles pourraient bénéficier d’au moins un repas par jour. Nombreux sont les pays qui durcissent leurs lois en matière d’immigration et ferment leurs frontières à des personnes fuyant la guerre, les massacres, etc.
Nous allons un jour répondre, chacun et chacune, sans exception, de nos agissements, de ce que nous aurions dû faire pour une personne et que nous n’aurions pas fait. Nous répondrons de nos silences face à la misère de nos semblables, car nous sommes tous responsables les uns des autres, que nous soyons unis ou non par le lien du sang.
Comme chrétiens et chrétiennes, il est de notre responsabilité de dénoncer ce silence, d’aller à contre-courant des pratiques et moeurs de nos sociétés actuelles. Nous devons être des baveux, des personnes qui dérangent, qui n’ont pas peur de lutter et de se battre contre des systèmes économiques et politiques qui tendent à asservir l’humain. Nous ne devons pas avoir peur d’adopter un style qui ne fasse pas l’unanimité, tant que c’est en vue d’une bonne cause. Nous ne devons pas craindre d’être regardés de travers, d’être incompris ou même insultés. Car la gloire de Dieu habite en chacun de nous, et il nous appartient de faire venir son Règne au quotidien à travers toutes ces actions, ainsi que la pratique de la Fraternité, en nous mettant à l’écoute de l’Esprit-Saint.
« Suis-je le gardien de mon frère ? », répond Caïen à Dieu, répond également toute personne qui n’a que faire de la souffrance de tant d’hommes et de femme aujourd’hui. Oui ! Nous sommes des gardiens et gardiennes de nos frères et sœurs, nous avons la responsabilité des autres.
Si nous nous disons chrétiens et chrétiennes aujourd’hui, nous devons avoir pour seule devise au quotidien l’Amour. C’est elle qui pourra nous ouvrir à plus de fraternité. Il est triste de voir encore aujourd’hui dans nos communautés chrétiennes la forte présence de la pratique de « la religiosité à la carte ». Nombreuses sont les personnes qui viennent encore dans nos communautés le dimanche en « consommatrices », elles viennent vivre leur eucharistie et retournent chez elles sans se soucier de la vie de la communauté, sans se soucier de toutes les personnes impliquées dans l’organisation de ces célébrations, qui pourtant sont pour la plus part des bénévoles. De plus, ce sont ces mêmes personnes qui sont les premières à émettre de vives critiques sur la vie et le fonctionnement de l’Église et de nos communautés locales. Or, comme chrétiens et chrétiennes, nous devons œuvrer pour le bien de tous. Aujourd’hui, nous devons beaucoup apprendre de nombreuses personnes non-croyantes impliquées dans leurs milieux. Elles doivent nous ré-interpeller sur notre façon de vivre notre foi. Une foi qui n’est pas seulement théorique, mais aussi pratique. C’est l’exercice de la Charité, de l’Amour-Agapè au quotidien.
Puissions nous, à la question « Où est ton frère ? Où est ta sœur ? », répondre « Il est là, elle est là, dans mes bras, j’en prends soin »!
© Léandre Syrieix.
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