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So 3, 14-18a – Can. Is 12 – Ph 4, 4-7 – Lc 3, 10-18 : Dimanche de la Joie de l’Avent (C)
Il y a des questions que certains journalistes aiment poser à leurs interlocuteurs dans le but de faire sensation, parfois pour faire connaître la vérité, d’autres fois pour créer le malaise ou « coincer » les concernés. D’un autre côté, il y a des questions que certaines personnalités publiques voire des personnes ordinaires n’aiment pas, surtout lorsqu’elles leur sont soumises publiquement. Pourquoi ? Sans doute parce qu’elles sont conscientes des enjeux que soulèvent ces questions. Curieusement, on retrouve un tel malaise chez des chrétiens confrontés à ce genre de questions qui devraient pourtant les stimuler afin qu’ils puissent assumer leurs responsabilités et rôles de disciples du Christ au cœur du monde et de leurs occupations.
Dans l’Évangile selon saint Luc, les interlocuteurs de Jean-Baptiste lui posent une question concrète en vue de leurs éventuelles croissances spirituelles et leur pratique religieuse : « Que devons-nous faire ? » Ses réponses à leur question sont exigeantes au regard des réalités de vie sociale des personnes concernées. Ces réponses paraissent pourtant banales et simples selon une certaine lecture actuelle.
Jean-Baptiste invite à partager, à donner à l’autre son superflu (Lc 3, 11). Voilà quelque chose, à première vue, évidente. Et si cette question nous était lancée aujourd’hui, individuellement, serions-nous par exemple capables de donner à l’autre ce que nous possédons en trop dans nos comptes bancaires ? Donnerions-nous à l’autre ce que nous avons en trop dans nos réserves alimentaires ? Gaspillons-nous plutôt ou attendons-nous la date de péremption de nos aliments pour les donner ? Et collectivement, donnerions-nous à l’autre notre superflu ou nous replions-nous préférablement sur nous-mêmes en prétendant assurer un avenir collectif voire des générations à venir ? On réalise alors que la réponse contextualisée de Jean-Baptiste, son invitation au partage de notre superflu n’est pas si facile ni simple.
Jean-Baptiste invite à faire preuve d’honnêteté et de bienveillance sans exiger davantage de l’autre que ce qu’il devrait faire ou donner (Lc 3, 13). Et si cela s’appliquait à nous aujourd’hui dans nos réalités personnelles ? Dans notre profession, fonction ou mission, exigeons-nous plus qu’il n’en faut des autres en vue de notre profit personnel voire d’un groupuscule ? Si tel est le cas, n’est-ce pas là le chemin vers la corruption et le profit malhonnête ? Exploitons-nous les autres tant individuellement que collectivement ?
Jean-Baptiste invite à ne pas faire usage de son pouvoir, de la force, de la violence voire de l’intimidation sur les autres ; de ne pas faire de fausses accusations dans son intérêt personnel ou celui d’un groupe (Lc 3, 14). À première vue, cela semble facile, mais si cela s’appliquait à nous aujourd’hui ? Nous servons-nous de notre pouvoir pour relever, pour aider et servir les autres ? Faisons-nous plutôt usage de la force ou employons-nous la violence sous toutes ses formes pour démontrer notre supériorité ? Portons-nous un regard bienveillant sur les autres ou les enfermons-nous plutôt dans nos préjugés tout en proférant de fausses rumeurs à leurs encontre ?
« Que devons-nous faire ? » est une question dont les réponses ne sont pas si simples, car elles sont tellement exigeantes que les personnes qui les ont comprises en éprouvent un profond malaise. Le jeune homme riche (Mt 19, 16-22) l’a très bien saisi puisqu’il s’en est allé tout triste au regard de toutes ses possessions. Pour nous aujourd’hui, il est surtout question de donner notre superflu ; d’être honnêtes, pacifiques et bienveillants. Voilà tout un programme de vie chrétienne exigeant au cœur de nos occupations. Alors, « Que devons-nous faire ? » doit plutôt nous stimuler à cause de notre foi en Jésus-Christ mort et ressuscité plutôt que nous déranger.
Évidemment, il ne s’agit pas de poser des gestes dans le but de remplir des formalités, car compter sur nos seules forces humaines est un chemin sûr vers l’échec. En effet, les chrétiens ne fonctionnent pas comme les gens du monde. Ils s’appuient sur des forces surnaturelles, sur la grâce divine. En ce sens, saint Paul indique des pistes concrètes à cette fin. Il nous parle d’intégration de la joie dans nos vies (Ph 4, 4) et non pas de n’importe quelle. Il s’agit de celle du Seigneur qui est rayonnante et contagieuse : La joie de l’Évangile. Il nous invite à prier en toute circonstance tout en rendant grâce à Dieu (Ph 4, 6). Ainsi, peu importe les situations traversées, prier et supplier en rendant grâce à Dieu nous procurera une force insoupçonnée. Voilà comment le monde reconnaîtra que le Seigneur est en chacun de nous. Nous pourrons alors faire l’expérience de la joie véritable du Seigneur et pousser nous-mêmes des cris d’allégresse (So 3, 14) au cœur de nos vies jusqu’à sa venue, lorsque notre mission de disciple prendra fin.
« Que devons-nous faire ? » Voilà une question qui dérange lorsque nous saisissons l’exigence des réponses qui en découlent : faire la promotion de la justice sociale en donnant notre superflu, en faisant preuve d’honnêteté, en promouvant la non-violence et l’exploitation, en étant bienveillant. Les chrétiens trouvent la force pour remplir ces exigences dans la joie du Seigneur, dans la prière, les supplications et l’Action de grâce en toute circonstance. C’est ainsi que cette question peut soutenir la vie chrétienne concrète et procurer une joie véritable témoignant au cœur du monde de la vie en Jésus-Christ mort et ressuscité qui reviendra dans sa gloire telle qu’il l’a promis.
© Ab. Léandre Syrieix.
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